Rejoindre (presque) votre adversaire pour le combattre !

À l’approche des élec­tions pré­si­den­tielles, on sera ame­né à beau­coup débattre. Si on est déjà d’accord, c’est fort joyeux, et le débat se trans­forme aus­si­tôt en dis­cus­sion ami­cale ; si on n’est pas d’accord sur tout, c’est moins confor­table mais très sti­mu­lant pour l’esprit, qui apprend à sor­tir de sa zone de confort ; en revanche, si on ne par­tage vrai­ment rien, un débat peut vite deve­nir pénible et ame­ner à un dia­logue de sourds. En géné­ral, on arrive peu à convaincre dans de tels cas, et on pré­fère évi­ter une tâche aus­si grande et chro­no­phage, mais la « démo­cra­tie », c’est aus­si ça, non ? Ce n’est pas dans l’air du temps, mais une longue dis­cus­sion posée sous un clair de lune peut faire des miracles ! Et s’il fal­lait rejoindre presque son enne­mi pour le com­battre ? (sur le ter­rain des idées)

Parce qu’un débat, c’est avant tout une confron­ta­tion. Mais de quoi exac­te­ment ? De points de vue, dirons-nous, sauf qu’en creu­sant un peu plus loin, on se rend vite compte que c’est de « valeurs », voire de « phi­lo­so­phies » que l’on débat. La meilleure manière de s’en aper­ce­voir est de pour­suivre un dia­logue jusqu’au bout pour voir jaillir la dia­lec­tique qui le struc­ture. L’exemple le plus clas­sique est peut-être celui de la « nature humaine » bonne ou mau­vaise, per­fec­tible ou per­due d’avance, qui sous-tend la majo­ri­té des débats poli­tiques ! Libé­ra­lisme contre col­lec­ti­visme, jus­tice puni­tive ou réha­bi­li­ta­tive, sur­veillance ou confiance… Bref, en ana­ly­sant suf­fi­sam­ment d’exemples, on voit que nos opi­nions dépendent for­te­ment d’une « matière brute » et du degré de concen­tra­tion des dif­fé­rentes valeurs qui la com­posent, comme la jus­tice, l’entraide, le sacré ou la liber­té… Si cer­taines sont mûre­ment réflé­chies, la plu­part découlent d’appétits incons­cients, d’affects forts, et d’expériences vécues qui nous font pen­cher vers des sym­boles plu­tôt que d’autres, pour le meilleur et pour le pire.

En quoi cela nous aide ? Eh bien pour a mini­ma « recon­naître » une opi­nion, même des plus « fal­la­cieuses », c’est-à-dire iden­ti­fier les idéaux sou­vent sin­cères (mis à part les mani­pu­la­teurs cyniques) et nobles, qui fondent un dis­cours. Par exemple, la loyau­té ou encore l’enracinement sont des valeurs plu­tôt posi­tives pour les ani­maux sociaux que nous sommes, même si elles peuvent consti­tuer un ter­reau fer­tile pour une rhé­to­rique iden­ti­taire ou natio­na­liste. Chez cer­taines franges de révo­lu­tion­naires, on sait aus­si ce que l’esprit de radi­ca­li­té peut pro­duire comme exac­tions quand il passe des idées aux per­sonnes. Par consé­quent, pour mieux com­battre une opi­nion, j’ose espé­rer qu’en câli­nant quoique d’un bras le socle de valeurs adverses, on a plus de chances d’y par­ve­nir, plu­tôt que de le déni­grer com­plè­te­ment, ou pire, de le méconnaître.

Que faire ensuite ? Eh bien plu­sieurs choix s’offrent à nous ; on pour­rait oppo­ser à ladite valeur une autre plus per­ti­nente dans un contexte pré­cis, non pas donc supé­rieure en prin­cipe, mais prio­ri­taire dans un cadre cir­cons­tan­ciel. Exemple tout bête : même si c’est fon­da­men­ta­le­ment posi­tif de dire la véri­té, il pour­rait être pré­fé­rable de la taire dans un moment défi­ni où elle peut heur­ter, pro­vo­quer le désar­roi, et donc pri­vi­lé­gier une autre ver­tu, mieux adap­tée à ce moment-là : la bien­veillance. Mais mieux encore, on pour­rait s’accaparer soi-même l’idéal adverse pour le char­ger d’une toute autre sym­bo­lique ! La “prio­ri­té natio­nale”, comme le cla­me­rait l’extrême-droite ? Cela sonne plu­tôt bien et pour­rait avoir du sens, mais com­ment défi­nir le péri­mètre d’une nation ? Sur­tout pour un pays comme la France, dont l’histoire a enla­cé par son impé­ria­lisme au 19ème et 20ème siècle tout un tas de peuples qu’elle ne peut plus regar­der désor­mais comme tota­le­ment “exté­rieurs” à sa nation, sauf à en défendre une vision qui date de très long­temps. Autre exemple, le « pro­grès » et « l’innovation » sont très louables, mais où devrait-on s’y employer le plus ? Dans la tech­nique où on ne fait que ça ou dans nos ins­ti­tu­tions éco­no­miques qui n’ont pas pro­gres­sé depuis des siècles ? De tels jeux de lan­gage sont loin d’être anec­do­tiques pour élar­gir des accep­tions trop figées. Para­doxa­le­ment, une des manières les plus effi­caces de décons­truire une idéo­lo­gie serait de par­ler mieux qu’elle dans sa propre langue !

Ayman

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1 Comment

  1. Salut !
    J’ai une question :
    Penses-tu que le pas­sé colo­nia­liste et impé­ria­liste dans la France jus­ti­fie-t-il une pré­oc­cu­pa­tion plus pous­sé envers cer­tains peuples plu­tôt que d’autres ?
    De plus, cela jus­ti­fie-t-il un de repor­ter le coût des poli­tiques du pas­sé sur les géné­ra­tions d’au­jourd’­hui ? Je serai content d’a­voir ton opi­nion là-dessus.
    Bonne journée !

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