L’entrepreunariat en France

L’entrepreneuriat est un domaine en plein essor, le nombre d’entreprises crées ne cesse d’augmenter chaque année. Dans cet article on en dresse un court por­trait pour entrer en matière ! 

Qu’est-ce que l’entrepreneuriat ? 

La défi­ni­tion simple de l’entrepreneuriat est de mener à bien un pro­jet qui se concré­tise par la créa­tion d’une entre­prise. La plu­part des acti­vi­tés d’entrepreneuriat ont pour but la créa­tion de nou­veaux pro­duits ou de ser­vices qui n’existent pas encore. Cepen­dant, c’est une acti­vi­té qui demande beau­coup de tra­vail et de créa­ti­vi­té pour péren­ni­ser son entre­prise.  L’un des avan­tages qui attirent le plus les futurs entre­pre­neurs est la liber­té de tra­vailler sur ce que l’on veut et quand on le sou­haite, et donc de ne plus subir le rythme impo­sé par une entre­prise.  

Quelques chiffres1 

Aujourd’hui de nom­breuses per­sonnes se lancent dans cette aven­ture, ce n’est pas moins de 611 286 entre­prises qui ont été créées en 2021, soit 30% de plus qu’en 2020. La crise du coro­na­vi­rus n’a eu que peu d’impact sur la créa­tion d’entreprises car l’année 2020 enre­gis­trait déjà une hausse de 2,1%. La crise sani­taire a au contraire per­mis aux fran­çais de se déga­ger du temps afin de faire mûrir leurs pro­jets, cer­tains y voyant l’opportunité de s’émanciper du sala­riat, d’autres concré­ti­sant un pro­jet per­son­nel ou sou­hai­tant se recon­ver­tir. 

L’âge moyen des entre­pre­neurs ne cesse de dimi­nuer. Pour la pre­mière fois en 2021 l’âge moyen est en des­sous de 40 ans (39,7 ans). Les moins de 30 ans repré­sentent une part de plus en plus impor­tante, 23% en 2021, soit une aug­men­ta­tion de 4% par rap­port à 2018. Cepen­dant les femmes ne sont pas nom­breuses à se lan­cer, elles repré­sentent seule­ment 3 entre­pre­neurs sur 10. 

Star­tup-nation ? 

La start-up nation que notre pré­sident nous a pro­mis en 2017 est-elle deve­nue réa­li­té ? Elle avait déjà com­men­cé bien avant 2017 lors du quin­quen­nat pré­cé­dent. C’est en 2013 que Fleur Pel­le­rin et le gou­ver­ne­ment lance l’initiative French Tech2, ayant pour objec­tif de posi­tion­ner la France dans le monde comme l’une des prin­ci­pales nations numé­riques. La French Tech est un incu­ba­teur d’entreprises, pour aider au lan­ce­ment de nou­velles entre­prises ou en octroyant à des entre­prises pro­met­teuses des res­sources pour accé­lé­rer leur crois­sance. Elle orga­nise aus­si la créa­tion de Fablabs pour encou­ra­ger la créa­ti­vi­té ou même des concours pour appor­ter de la visi­bi­li­té à des pro­jets inté­res­sants. Ceci ayant pour but de faire émer­ger des entre­prises capables de riva­li­ser avec des entre­prises inter­na­tio­nales. 

La France octroie aus­si de nom­breuses aides pour les entre­pre­neurs comme des cré­dits d’impôt, des exo­né­ra­tions fis­cales ou des dis­po­si­tifs d’accompagnements comme NACRE3 ou ACRE. Ces deux der­niers per­mettent d’accéder à un accom­pa­gne­ment per­son­na­li­sé de 3 ans pour créer ou reprendre une entre­prise. 

Une aven­ture ris­quée 

Cepen­dant il ne faut pas croire que l’aventure entre­pre­neu­riale soit simple. Ce n’est pas moins de 310 372 entre­prises qui ont été radiées du registre du com­merce et des socié­tés en 2021. Ce sont 75000 de plus qu’en 2020. Le taux de radia­tion en 2021 s’élève à 5,9 %, un point de plus qu’en 2020. Tous les motifs de radia­tions ont aug­men­té. Par exemple, les radia­tions volon­taires ont aug­men­té de 25%, face aux incer­ti­tudes liées à la pan­dé­mie de nom­breux entre­pre­neurs ont pré­fé­ré arrê­ter. D’autres entre­prises ren­con­trant des dif­fi­cul­tés bien avant la crise ont pu pro­fi­ter des aides de l’état pour rem­bour­ser leur dette lors de la pan­dé­mie ; avec l’arrêt des aides, le moment est deve­nu pro­pice d’arrêter une acti­vi­té qui n’est plus por­teuse.1 

L’élan étu­diant 

L’Etat encou­rage aus­si les étu­diants à entre­prendre. Depuis 2014, les étu­diants peuvent obte­nir le sta­tut natio­nal d’étudiant-entrepreneur ; ce sta­tut peut être obte­nu juste après le bac. Il per­met d’être accom­pa­gné dans son pro­jet, d’accéder à un réseau pour déve­lop­per son acti­vi­té, une césure pou­vant être envi­sa­gée à cette fin. Des amé­na­ge­ments de for­ma­tion peuvent avoir lieu, comme l’obtention du diplôme d’établissement étu­diant-entre­pre­neur en paral­lèle de sa for­ma­tion actuelle. Les stages de fin d’année peuvent même être rem­pla­cés par un stage dans sa propre entre­prise. Entre 2019 et 2020 ils étaient 6000 étu­diants à béné­fi­cier de ce sta­tut et ce nombre aug­mente chaque année.4 

A l’INSA Lyon nous avons la chance d’avoir la filière étu­diant entre­prendre, per­met­tant de se for­mer et d’acquérir des connais­sances et des com­pé­tences en entre­pre­na­riat et en mana­ge­ment. Cette for­ma­tion a lieu pen­dant le cur­sus d’ingénieur en rem­pla­çant soit le pro­jet ou le stage de fin d’étude.5 

Alexandre 

Sources :  

1Bilan Natio­nal des Entre­prises des gref­fiers des tri­bu­naux de com­merce [PDF Inter­net]. Dis­po­nible sur : https://www.cngtc.fr/myfiles/files/BNE%20des%20greffiers%20des%20tribunaux%20de%20commerce%202022_VDEF.pdf 

2La French Tech : une ambi­tion col­lec­tive pour les start-up fran­çaises [Inter­net]. Gou­ver­ne­ment [cité 15 nov 2022]. Dis­po­nible sur : https://www.gouvernement.fr/action/la-french-tech-une-ambition-collective-pour-les-start-up-francaises 

3Nou­vel accom­pa­gne­ment pour la créa­tion ou la reprise d’entreprise (Nacre) [Inter­net]. [cité 15 nov 2022]. Dis­po­nible sur: https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F20016 

4Giac­co­bi C. Accom­pa­gner les étu­diants entre­pre­neurs en mode « phy­gi­tal » [Inter­net]. Monde des grandes écoles et uni­ver­si­tés. 2021 [cité 15 nov 2022]. Dis­po­nible sur: https://www.mondedesgrandesecoles.fr/accompagner-les-etudiants-entrepreneurs-en-mode-phygital/ 

5Culti­ver l’esprit d’entreprendre — FÉE Lyon­Tech [Inter­net]. INSA Lyon. 2014 [cité 15 nov 2022]. Dis­po­nible sur: https://www.insa-lyon.fr/fr/cultiver-l-esprit-d-entreprendre-fee-lyontech 

Jean-Michel Blanquer et le dédain des mathématiques 

Depuis main­te­nant 3 ans se trame une expé­rience folle et gran­deur nature dans l’enseignement secon­daire. La réforme du lycée géné­ral implé­men­tée à la ren­trée 2019, a fait des remous, voire même des vagues sur­fables par les meilleurs ath­lètes.  

Pour­tant, celle-ci avait été concoc­tée dans la réforme totale de l’enseignement qui avait été pro­po­sée pour pal­lier la mal­heu­reuse réa­li­té… Et oui, un enfant sur cinq sor­tant du pri­maire ne maî­trise pas les savoirs fon­da­men­taux (édu­ca­tion natio­nale, mai 2022), de ça il faut com­prendre qu’ils ne savent pas lire ou écrire en sor­tant du CM2, ce qui est une nou­velle catas­tro­phique, à la limite de l’indécence pour la sixième puis­sance mon­diale. L’ancien ministre s’était aus­si atta­blé sur la refonte du lycée pro­fes­sion­nel en les trans­for­mant en “Har­vard du pro”. L’idée était “d’a­voir de véri­tables cam­pus pro­fes­sion­nels attrac­tifs, où on a envie d’al­ler (…)  non pas parce qu’on a eu un mau­vais bul­le­tin de notes, mais parce que cela fait envie”. (J.M Blan­quer, Paris, Juin 2019). De bien pro­met­teuses pers­pec­tives donc, mais dans ce tumulte d’idées nova­trices, se ter­rait le mou­ton noir qui allait scel­ler le des­tin de 3 géné­ra­tions de lycéens, la réforme du lycée géné­ral. 

Les spé­cia­li­tés ou le self-ser­vice d’une édu­ca­tion à la dérive. 

Le col­lège, que de bons sou­ve­nirs n’est-ce pas ? Per­met­tez moi d’en dou­ter, la puber­té frappe (et son lot de sur­prises avec), les pre­mières expé­riences humaines sont vécues, et pour une par­tie des élèves les cours ne sont pas une prio­ri­té, c’est une obli­ga­tion à suivre. Ensuite, à l’arrivée en seconde, le niveau de dif­fi­cul­té s’accentue d’autant plus. Quoi de mieux alors que de don­ner le choix de l’a­ve­nir, dès la fin de seconde, à des ado­les­cents de 15 ans ennuyés par les cours ? Quelle pers­pi­ca­ci­té et de connais­sance de la psy­cho­lo­gie humaine par l’ancien pro­fes­seur d’économie Blan­quer ! Pour éclair­cir mon pro­pos, il faut savoir qu’à pré­sent les élèves doivent suivre dès la pre­mière un tronc com­mun for­mé par le fran­çais, la phi­lo­so­phie, l’histoire-géographie, l’enseignement moral et civique, les langues vivantes, le sport et l’enseignement scien­ti­fique. Ne vous détrom­pez pas, “l’enseignement scien­ti­fique” n’est qu’un ersatz de science, car il ne contient ni mathé­ma­tiques ni réelle phy­sique. En revanche, les élèves pour­ront y apprendre le nom des pla­nètes, quelques anec­dotes sur le cli­mat, les éner­gies du futur et une his­toire rapide du vivant. A pré­sent les matières consi­dé­rées comme fon­da­men­tales depuis bien avant la créa­tion de l’école publique par Jules Fer­ry, sont relé­guées au rang de spé­cia­li­tés, comme si l’enseignement de celles-ci pou­vait être option­nel. Je réitère donc ma décla­ra­tion et me mets à la place d’un élève de seconde, dont la vie gra­vite à pré­sent autour de choses, bien loin des matières ensei­gnées au lycée, qui me dépasse compte tenu de mon âge avan­cé : “Pas de maths ?! Génial ! J’achète !”. Et je le com­prends. 

Un pas en avant, 15 pas en arrière. 

La fameuse réforme a enter­ré les sec­tions S, ES et L. Jadis, sur les 86% d’orientation en pre­mière géné­rale, la sec­tion S était la sec­tion la plus recher­chée avec 40% de demandes, sui­vie par la sec­tion ES. Le point com­mun à ces sec­tions, les ensei­gne­ments en mathé­ma­tiques. “A quoi servent les mathé­ma­tiques”, “jamais on uti­li­se­ra ça dans la vie de tous les jours” : Ce type de phrases débi­tées par des élèves désa­bu­sés et un peu per­dus dans des cours par­fois de mau­vaise qua­li­té, sont un des symp­tômes d’un phé­no­mène socié­tal de plus grande ampleur. Fon­da­men­ta­le­ment, les mathé­ma­tiques sont ensei­gnées pour éta­blir et for­ti­fier la pen­sée logique dans le cer­veau des élèves. Au-delà des opé­ra­tions élé­men­taires, le plus gros de ce tra­vail est effec­tué au lycée. La com­pré­hen­sion notam­ment de l’a­na­lyse et de la géo­mé­trie dans l’espace sont les fon­da­tions en béton armé de monu­ments poten­tiels éri­gés dans le supé­rieur. Pour beau­coup à pré­sent, c’est la dés­illu­sion. En effet, l’orientation post-bac est direc­te­ment dépen­dante des spé­cia­li­tés choi­sies dès la fin de seconde. Pour un élève ayant décou­vert le goût du tra­vail en pre­mière et vou­lant se diri­ger vers une pré­pa, c’est en géné­ral une fin de course. Aujourd’hui, les écoles d’ingénieurs et les pré­pas déplorent un niveau de mathé­ma­tiques catas­tro­phique. Cer­taines écoles déclarent même devoir ensei­gner de nou­veau la divi­sion eucli­dienne ou même se retrou­ver devant des étu­diants inca­pables de résoudre une équa­tion de niveau cin­quième (BFMTV, Le Monde, novembre 2022). Grande réus­site de la réforme donc.  

Avant la réforme, qua­si­ment 50% des filles en ter­mi­nale avaient au moins 6h de maths par semaine, après celle-ci, ce chiffre est de seule­ment 25%. En 2018, 83% des filles en pre­mière sui­vaient un ensei­gne­ment de mathé­ma­tiques, en 2021 c’était 55%. Bien évi­dem­ment cela implique de lourdes consé­quences pour la suite dans le supé­rieur, avec notam­ment une pro­por­tion de femmes en école d’ingénieurs bien décrois­sante. Quand J.M Blan­quer déclare à pro­pos des nou­veaux ensei­gne­ments numé­riques  : “Et c’est aus­si un moyen pour nous d’a­voir plus de jeunes filles qui vont aller vers le numé­rique, alors que nous savons qu’il n’y a que 5 % de femmes dans les start-up aujourd’­hui en France”, il fait ici preuve d’une décon­nexion totale de la réa­li­té, et de la plus grande incom­pré­hen­sion des connais­sances requises pour tra­vailler dans le “numé­rique”. Pour un pays fai­sant beau­coup de bruit pour l’égalité des sexes, il ne fait pas grand-chose pour pour­voir les jeunes femmes de réelles com­pé­tences en sciences fon­da­men­tales. Heu­reu­se­ment, les mathé­ma­tiques reviennent dans le tronc com­mun dès la ren­trée 2023, une déci­sion judi­cieuse de la part du nou­veau minis­tère de l’éducation. 

Kevin

Bienvenue en IF

Cer­tains lieux, cita­tions, évè­ne­ments, indi­vi­dus, natio­na­li­tés, et dates, ont été modi­fiés dans un sou­ci d’a­no­ny­mi­té, mais rem­pla­cés par des équi­va­lents qui vous illus­tre­ront tou­jours bien le pro­pos. Si vous pen­sez que je déforme ou que j’exa­gère, venez en IF. 

Tout le monde connaît les IFs, mais peu connaissent réel­le­ment leurs secrets, leurs intrigues. Bien plus cap­ti­vante que Game Of Thrones, sur l’in­for­ma­tique, sau­pou­drez une petite dose d’es­prit cri­tique, d’a­na­lyses en tous genres (sym­boles, com­por­te­ments, jeux d’in­fluence) et vous aurez un mets sur­pre­nant, pas­sion­nant, et par­fois par­ti­cu­liè­re­ment conster­nant. 

l’In­fo, c’est avant tout des 
ren­contres 

En tant qu’é­tu­diant de haute vol­tige au sein de ce pres­ti­gieux dépar­te­ment (oui j’ai le melon, je ne suis qu’un IF après tout), je suis pour­tant tom­bé de haut récem­ment. Mal­gré une licence info dans une uni­ver­si­té belge et plu­sieurs années dans le milieu : Site du Zéro, forums, com­pé­ti­tions, puis star­tups avec les copains, enfin les portes s’ou­vrirent à moi : confé­rences inter­na­tio­nales rem­plies de codeurs fuyant le fisc, mafio­sos latents, ou même de cri­mi­nels finan­ciers. 

M’ayant fait ren­con­trer, du haut de mes 20 ans, des exi­lés bié­lo­russes ama­teurs de whis­kys, des savants fous bri­tan­niques de la VR, des entre­pre­neurs texans experts en e‑greenwashing sur fond de plan­ta­tion de bananes plan­tain au Gha­na, des indiens sur­mo­ti­vés qui vous bâtissent un concur­rent de Face­book en 2 heures chro­no, mais aus­si un lead mar­ke­ting armé­nien télé­tra­vaillant depuis son camp de réfu­giés à Copen­hague, un créa­teur de jeux vidéo alle­mand à la retraite qui se fai­sait une deuxième vie dans le tra­ding de Yuan, sans oublier les ingé­nieurs réseaux bur­ki­na­bais sur­me­nés par leur gou­ver­ne­ment pseu­do-démo­cra­tique, et mes favo­rites, autant sur le dan­ce­floor qu’en affaires : les cali­for­niennes ren­tières depuis leurs 16 ans, ama­trices de grands crus et de cryp­to-fémi­nisme 6.0… bref un sacré beau monde quoi. Alors autant vous dire que j’aime l’IN­SA. Temple de l’é­thique et de la com­plai­sance. Prê­cheuse de l’in­for­ma­tique propre, res­pon­sable. 

IF, cryp­to-méga­phone pour le 
tech­no-green­wa­shing ? 

De retour de vacances appre­nantes, l’IN­SA serait une oasis où je n’au­rais plus à ren­con­trer une telle faune numé­rique. Pour­tant, l’autre jour, j’é­tais à la ren­trée solen­nelle du dépar­te­ment infor­ma­tique. Après notam­ment 2 ques­tions sur les salaires à 8 chiffres, un type au style ves­ti­men­taire un peu dou­teux au pre­mier rang (que des fayots, merde ce n’est pas Ginette ici), pose sou­dain une ques­tion sur le rap­port entre
infor­ma­tique et dérè­gle­ment cli­ma­tique à 4 ingé­nieurs IFs venus dis­cu­ter car­rière et indus­trie. 

En réac­tion à cette ques­tion vicieuse il faut l’ad­mettre, le doyen des 3 ingé­nieurs, tra­vaillant pour une entre­prise de consul­ting, plus de 30 ans de car­rière, pour­tant très assu­ré et maître nin­ja habile des beaux dis­cours creux et “ins­pi­rants” au for­mat Lin­ke­din, se la ferme raide. “Bon. Tu sais je suis vieux, à l’é­poque on ne pen­sait pas à ça, tiens, toi là, la ques­tion est pour toi”. Il passe alors le micro à son voi­sin, jeune diplô­mé tra­vaillant pour un lea­der amé­ri­cain du Big Data en Suisse, pas tout à fait un mili­tant éco­lo de la 1re heure donc : “Oui, euh…” D’ac­cord, ça com­mence bien. Sa col­lègue à gauche, tra­vaillant pour la même entre­prise, habillée d’une somp­tueuse robe rouge cein­tu­rée de dia­mants (les enfants mineurs en Ango­la devaient man­quer de tra­vail ce jour-là) tente de le défendre “Notre entre­prise est neutre car­bone depuis 2010. Nous plan­tons des arbres.” Face à un tel réchauf­fé d’élé­ments de lan­gage, le débat éclate entre les inter­ve­nants. Un autre ancien lui rétorque : “Ce sont des bêtises. Ça ne suf­fit pas. Ce n’est pas comme ça que l’on va s’en sor­tir.”  

Fina­le­ment, le der­nier inter­ve­nant, un jeune entre­pre­neur cool en t‑shirt noir épu­ré, la raie du cul pas tout à fait ren­trée dans son cale­çon, dit d’un air non­cha­lant en levant les yeux au pla­fond “Nous, chez Caki Enter­prise, nous avons choi­si Omégatron.
Une cryp­to qui va révo­lu­tion­ner le monde et ne pol­lue pas comme le Bit­coin. Je crois beau­coup dans la capa­ci­té d’O­mé­ga­tron. Ce sont aux jeunes entre­pre­neurs IFs de
révo­lu­tion­ner le monde de demain avec la tech­no­lo­gie !” Bon, c’est bien, au moins le fayot au pre­mier rang a eu sa réponse, et main­te­nant vous aus­si. Bref, les éco­los, c’est pas GEN ici, déga­gez y’a rien à voir. 

L’in­for­ma­tique, c’est 
fan­tas­tique 

Voyez-vous, chères insa­liennes et chers insa­liens ? Tout com­mence ici, en IF. Vous ren­con­trez divers inter­ve­nants, diverses entre­prises. Vous faites des stages, vous voya­gez un peu. Des hommes, illustres ano­nymes, et par­fois quelques femmes, viennent vous pro­non­cer des dis­cours encou­ra­geants. Pas ques­tion de sobrié­té, pas ques­tion de pro­pos mora­li­sa­teurs.  

Votre pro­mo­tion est com­po­sée d’une grande diver­si­té d’é­tu­diants majo­ri­tai­re­ment bobo-éco­los, mais car­rié­ristes, car on n’est pas des TC tout de même, et sera soit parrainée
par une grande banque fran­çaise, aux inves­tis­seurs de droite et à la clien­tèle de gauche, soit par une asso­cia­tion de char­la­tans cryp­to-anar­chistes orga­ni­sant des séjours de luxe pour la socié­té oli­gar­chique. Vous pour­rez voya­ger sur les 5 conti­nents, de l’A­mé­rique latine à l’A­frique cen­trale. Même les pin­gouins veulent un déco­deur ISO H.265 der­nier cri en C++ et un i7 8 cœurs pour regar­der des films éro­tiques tchèques (avec des vrais mor­ceaux de consen­te­ment à l’in­té­rieur). Vous pour­rez inven­ter des tech­no­lo­gies révo­lu­tion­naires qui feront autant brû­ler la planche à billets, que la semelle de vos snea­kers édi­tion col­lec­tor lors­qu’on attein­dra +5°C, notam­ment grâce aux 10 mil­liards de giga­oc­tets de vidéo de chats et de por­no qui courent (par­fois les 2 ensemble m’a dit un FIMI).

En route vers l’u­top’IF

Mais peu importe, ce n’est pas votre pro­blème, vos profs non plus, et le gen­til mon­sieur au pan­ta­lon rose qui dirige tout le schmil­blic non plus. Vous, ce qui compte, ce sont vos études.
Le triple Ph.D fran­co-alle­mand d’IA en poche, le crâne bour­ré d’a­cro­nymes à 3 lettres, deve­nu codeur poly­glotte, la vie vous sem­ble­ra par ins­tants bien mono­tone. Alors vous bru­le­rez du kéro­sène en guise d’ul­time solu­tion, vous envo­lant vers l’i­dylle du “Digi­tal Nomad”. Vous tra­vaille­rez depuis les plus pres­ti­gieux sex-hotel du monde, avec votre fidèle Mac­Book M3 flam­bant neuf. Le code Python copié-col­lé d’un forum chi­nois, que vous pis­se­rez allè­gre­ment, abreu­ve­ra un mania du mul­ti­vers 4D, pen­dant que le reste du monde brûlera.
Boîtes de nuit après boîte de nuit, vir­tuelles ou pas selon votre humeur, vous dan­se­rez volon­tiers avec hommes et femmes de toutes les natio­na­li­tés, dans une orgie
d’in­sou­ciance et d’O­mé­ga­tron-Dol­lars lavés à blanc sur la blo­ck­chain. 

Bien­ve­nue en IF 

 

Ano­nyme  

Interview de Gabriel, co-fondateur de CEDE Labs 

Gabriel Bega­zo est en 5GE. Il est fran­co-péru­vien, âgé de 22 ans, et co-fon­da­teur d’une star­tup qui existe offi­ciel­le­ment depuis 7 mois : CEDE Labs. Une start-up pour faci­li­ter la vie aux uti­li­sa­teurs des éco­sys­tèmes cryp­to, et qui se rêve déjà en futur grand acteur de la finance décen­tra­li­sée. Il est pas­sé à l’Insatiable pour nous accor­der une petite inter­view ! 

A par­tir de quel moment tu as vou­lu deve­nir entre­pre­neur ? 

Depuis au moins 5–6 ans… quand j’étais tout petit et qu’on me posait la ques­tion habi­tuelle « qu’est-ce que tu veux deve­nir plus tard ? », je répon­dais que je vou­lais deve­nir PDG sans vrai­ment savoir pour­quoi (rires). Je crois que ce qui m’intéresse là-dedans c’est d’être maître de soi, de ne pas dépendre de quelqu’un, d’être actif et sur­tout la prise de déci­sions : prendre des déci­sions qui vont impac­ter ta vie, ton entre­prise et poten­tiel­le­ment d’autres aus­si ! 

Pour­quoi les cryp­tos ? Pour deve­nir riche ou pour sau­ver le monde de la dic­ta­ture des banques ? Ou quelque part entre les deux ? (rires) 

Hon­nê­te­ment ça se rap­proche beau­coup plus du deuxième point. J’ai com­men­cé à m’intérésser au cryp­tos vers 2016 à tra­vers le bit­coin… ok y avait cette idée de faire un peu d’argent, on va pas se men­tir, l’immense majo­ri­té des gens rentrent dans l’écosystème comme ça. Mais quand j’ai com­men­cé à faire mes recherches ce qui m’a le plus plu c’est le par­fait alliage entre la tech­nique, l’idéologie qu’il y a der­rière, et l’économie ! Je m’intéresse beau­coup aux ques­tions liées à la mon­naie, qui sont fon­da­men­tales même si les gens se les posent peu. Du coup je crois vrai­ment dans les cryp­to­mon­naies étant très peu satis­fait du sys­tème moné­taire actuel : des mon­naies diri­gées par des banques cen­trales qui peuvent impri­mer autant de mon­naie qu’elles le sou­haitent – on le voit avec l’euro en ce moment – Pour moi ça ne fait pas sens ! J’aime beau­coup dans les cryp­tos l’idéologie de la décen­tra­li­sa­tion. Les règles sont écrites dans un algo­rithme et connues par tous, y a vrai­ment cette idée de trans­pa­rence qu’on ne retrouve pas dans les mon­naies fidu­ciaires… 

Pour­quoi t’as entre­pris là-dedans ? Com­ment l’opportunité s’est pré­sen­tée à toi ? 

Moi je ne pen­sais pas créer une entre­prise aus­si­tôt, je pen­sais plus à finir mes études, être sala­rié, construire une expé­rience, voir com­ment marchent dif­fé­rentes entre­prises, et puis ensuite fort de cette expé­rience créer une entre­prise ou plu­sieurs, mais fina­le­ment c’est arri­vé plu­tôt que pré­vu, via une asso­cia­tion que j’ai créée « Kryp­tos­phere ». Rapi­de­ment c’est une asso étu­diante dans l’écosystème des cryp­tos et blo­ck­chain qui est pré­sente dans plein d’écoles d’ingé, de com­merce… Du coup moi je vou­lais créer une antenne à Lyon. C’était super parce que j’ai rejoint un gros réseau, j’ai ren­con­tré plein de gens d’autres antennes. Puis en août 2021, à l’une des plus grosses confé­rences sur le Bit­coin en Europe, à Bier­ritz – j’y suis allé grâce à Kryp­tos­phere en aidant à l’orga – j’ai ren­con­tré un autre gars d’une autre antenne. On échan­geait, il m’a dit qu’il avait une idée, qu’il vou­lait créer une boîte, et comme l’aspect entre­pre­na­rial me plai­sait beau­coup et que j’aimais son idée, on a gar­dé contact, on s’est rap­pe­lés, le fee­ling est bien pas­sé et on s’est asso­ciés ! 

Et peux-tu nous décrire le rôle de CEDE Labs ? 

Pour t’expliquer qu’est-ce qu’on fait, il faut savoir que dans l’écosystème cryp­to il y a deux mondes prin­ci­paux : il y a le monde cen­tra­li­sé de l’écosystème (CeFi), où on va trou­ver des sortes de banques mais pour les cryp­tos, des entre­prises qui vont gérer tes cryp­to­mon­naies, donc tu passes par un tiers de confiance et là on va trou­ver des entre­prises comme Binance… C’est sou­vent avec ce monde cen­tra­li­sé que les débu­tants vont com­men­cer, c’est plus facile, l’user expe­rience est meilleure, plus simple en géné­ral, et c’est aus­si là où tu peux faci­le­ment ache­ter des cryp­to­mon­naies. Ensuite il y a le monde décen­tra­li­sé (DeFI) où on va se pas­ser de ce tiers de confiance, entre autres grâce à une tech­no­lo­gie des smart contracts, des pro­grammes infor­ma­tiques qui per­mettent d’automatiser les choses… C’est vache­ment inté­res­sant, d’un point de vue idéo­lo­gique déjà parce que tu es le maître de tes cryp­to­mon­naies, tu es le maître de tes don­nées, et y a per­sonne qui va t’interdire par exemple de trans­fé­rer tes fonds… d’un point de vue finan­cier aus­si on est moins à se répar­tir les parts du gâteau, donc on va avoir des pla­ce­ments plus inté­res­sants.  

Quand on est uti­li­sa­teur de l’écosystème cryp­to, on va sou­vent uti­li­ser ces deux mondes parce que chaque monde a ses avan­tages et ses incon­vé­nients. Ce qu’on fait avec CEDE Labs, c’est qu’on cherche à agré­ger toutes ces appli­ca­tions, tous ces ser­vices, parce qu’on s’est ren­du compte qu’en tant qu’utilisateur on va uti­li­ser plein de ser­vices en même temps et tout ça amène à une mau­vaise ges­tion de ton por­te­feuille, et tu va perdre de temps à gérer tes dif­fé­rents actifs. Donc nous on a deux pro­duits : le pre­mier est une inter­face – un dash­board – sur­le­quel on va agré­ger l’ensemble des appli­ca­tions et des ser­vices pour que tu puisses mana­ger l’ensemble de ton port­fo­lio cryp­to, et ça on le fait via notre second pro­duit qui s’appelle CD.store, qui est une exten­sion de navi­ga­teur qui va inté­grer le monde cen­tra­li­sé de l’écosystème sur notre dash­board. En une phrase ce qu’on fait c’est une pla­te­forme pour faci­li­ter la visua­li­sa­tion et la ges­tion de ton port­fo­lio cryp­to ! 

Cool ! Et quel est ton rôle dans la boîte ?  

Alors pour pré­ci­ser ce que je fais moi, je suis COO donc je m’occupe de toute la par­tie opé­ra­tion­nelle, c’est-à-dire tout ce qui est légal, les contrats, la par­tie finan­cière, gérer les paye­ments, les fac­tures… Pas mal de pape­rasse, ça c’est la par­tie la moins inté­res­sante du tra­vail (rires), mais après d’autres par­ties très inté­res­santes : la levée de fonds, contac­ter des inves­tis­seurs, pré­sen­ter le pro­jet à de futurs uti­li­sa­teurs, la par­tie recru­te­ment, et plus tard pas mal de tra­vail avec les futurs par­te­naires pour cher­cher des syner­gies avec d’autres pro­duits. C’est vrai que c’est assez large, et c’est ce qui est pas­sio­nant quand on com­mence une boîte c’est que sou­vent on n’a pas un rôle bien défi­ni mais on fait plein de choses puisqu’il y a tout à faire et construire ! 

Ce sont des savoir-faire que tu as acqué­ri tout seul du coup ? 

Effec­ti­ve­ment c’est des choses que j’ai pas du tout appris à l’insa (rires), donc effec­ti­ve­ment j’ai appris sur le ter­rain en me for­mant, en dis­cu­tant avec des gens beau­coup plus expé­ri­men­tés que moi, et j’ai encore beau­coup de choses à apprendre… En géné­ral, j’ai appris à une vitesse assez folle pour plu­sieurs rai­sons : la pas­sion que j’y mets, et j’ai vrai­ment l’impression qu’on apprend beau­coup plus vite sur la pra­tique ! On peut avoir des cours en école de com­merce, mais c’est tou­jours mieux au final d’être dans la pra­tique, on apprend plus rapi­de­ment. 

Ca te prend com­bien de temps à peu près ? Tu arrives à marier ça avec les études ? 

Je t’avoue que c’est com­pli­qué, parce que je n’ai jamais fait que ça, j’avais tou­jours des choses à côté. Quand on a com­men­cé – en août 2021 – je ren­trais en sep­tembre en stage à Paris, stage de 4GE. Je fai­sais à peu près du 9h-18h, alors les midis je tra­vaillais pas mal, même en jour­née j’avais des appels. Glo­ba­le­ment je tra­vaillais beau­coup, les soirs, les week end, et pen­dant les vacances… Au début on allait quand même pas très vite, on était que deux, donc y avait pas une grosse pres­sion de temps. Par la suite j’ai rame­né deux amis à moi qui étaient alter­nants ; ce qui est impor­tant je pense, quand on se lance dans un pro­jet comme ça, entre­pre­neu­rial ou pas, c’est qu’on ait des objec­tifs com­muns. On avait tous une ambi­tion assez forte, on était pas là pour s’amuser, on voyait à long terme. Après les choses ont com­men­cé à s’accélérer, sur­tout avec la levée de fonds et les appels avec les inves­tis­seurs. On sen­tait un peu plus le truc sérieux et on se met­tait peut-être plus auto­ma­ti­que­ment la pres­sion. 

Le capi­tal venait entiè­re­ment des levées de fonds ? Vous avez fait des cré­dits ? 

Au début nous on a mis un peu d’argent pour créer la socié­té. Offi­ciel­le­ment elle existe depuis décembre 2021. En tout on a peut-être mis… 1500 euros cha­cun ? Ca repré­sen­tait quand même une somme impor­tante pour moi. On a fait notre levée de fonds vers février, mais on n’a com­men­cé à per­ce­voir l’argent de la part d’investisseurs qu’en juin. Jusque là on tra­vaillait bien sûr sans être payés, mais en même temps on avait pas beau­coup de frais, donc l’argent qui a été mis était suf­fi­sant, ça nous a per­mis de payer des frais d’avocats pour créer la boîte, des frais tech­niques… Puis on a eu de la chance au bout d’un moment on a été contac­tés par Sta­tion F, qui est le plus pros incu­ba­teurs de Startup’s en Europe, et qui aident à démar­rer sur plu­sieurs plans. On les a rejoint depuis sep­tembre donc main­te­nant on a des locaux là-bas. Avant le début de l’INSA j’y allais tout le temps, main­te­nant avec les cours c’est une situa­tion com­pli­quée. J’ai hâte de finir l’INSA ! Je dirais que l’école m’a appris à apprendre, mais j’ai la sen­sa­tion que main­te­nant ça ne me sert plus à grand-chose, d’autant plus que ce que je fais n’a rien à voir avec ma spé­cia­li­té. Mais je conti­nue quand même, pour avoir un diplôme évi­dem­ment qui est une sécu­ri­té aus­si au cas où la socié­té ne fonc­tionne pas – ce qui entre nous est très pro­bable - 

Quelle inci­dence ça a eu sur ta per­son­na­li­té ? Ton rap­port aux gens ? Aux temps ?  

C’est vrai qu’on perd un peu en spon­ta­néi­té (rires). Clai­re­ment, mon rap­port au temps a beau­coup chan­gé. J’ai appris à mieux m’organiser et je suis en constante amé­lio­ra­tion, j’essaie d’optimiser mon temps… Cela ne veut pas dire que je suis un robot et que je ne pense qu’à tra­vailler, j’ai besoin de moments pour moi, mes amis et ma famille. Mais c’est vrai que glo­ba­le­ment je time beau­coup plus ce que je fais. J’ai per­du la notion du week end aus­si… je ne remarque pas de grosse dif­fé­rence avec le reste des jours. Mais je ne le vois pas comme quelque chose de néga­tif, j’ai l’impression d’être plus effi­cace dans mon tra­vail. 

Une ques­tion un peu cari­ca­tu­rale, entre­prendre nous force-t-il à deve­nir de droite ? 

Je pense pas… Pour être hon­nête moi je suis un peu plus de droite de base, je crois beau­coup à la méri­to­cra­tie. Ce qui a chan­gé c’est que je vois plus concrè­te­ment les choses, alors par­fois ça me choque, je vois la len­teur de l’administration, les impôts, y a beau­coup de pro­blèmes même si il y a des aides aus­si, par exemple un très bon accom­pa­gne­ment de la BPI – la banque publique d’investissement – qui aide beau­coup sur plein d’aspects. Je suis fier du modèle fran­çais hein, mais je me consi­dère glo­ba­ble­ment comme un libé­ral donc j’aimerai qu’on fasse beau­coup plus pour les entre­pre­neurs, les gens qui crèent. Si on aide des petites star­tup, ça béné­fi­cie à toute la socié­té. Je pense que la France devrait avoir un regard beau­coup intel­li­gent, de mettre tout à dis­po­si­tion du déve­lop­pe­ment des star­tup, moins mettre de bâtons dans les roues, donc ça passe par un allè­ge­ment à mon avis de la fis­ca­li­té, et faire en sorte que quand les boîtes naissent elle res­tent en France ! Je trouve qu’actuellement on fait pas mal de choses, mais on peut faire mieux. 

Pour finir, est-ce que tu conseille­rai ça ? 

Pour moi la réponse est oui clai­re­ment (rires). Je suis extrê­me­ment recon­nais­sant et très heu­reux actuel­le­ment dans ma vie, même s’il y a des sacri­fices à faire… Après ça dépend des carac­tères, donc je dirais pas for­cé­ment à tout le monde de se lan­cer, mais y a beau­coup de per­sonnes qui devraient s’intéresser à ça parce qu’on apprend énor­mé­ment. Tu peux ren­con­trer des gens géniaux. Aus­si, ce n’est pas l’objectif prin­ci­pal mais si ta star­tup marche, ça peut te rap­por­ter beau­coup d’argent et être à l’aise pour la suite afin de pou­voir finan­cer d’autres pro­jets ! Donc si c’était à refaire je le refe­rai for­cé­ment ! 

Un autre avan­tage à entre­prendre aus­si jeune, c’est que ton âge joue sou­vent en ta faveur et pas l’inverse. On peut se dire que les gens te prennent pas au sérieux, mais du moment que t’arrive à mon­trer ton sérieux ça les impres­sionne, et les gens te feront confiance parce qu’ils savent que tu peux aller plus loin. Etre jeune c’est le bon moment aus­si à mon avis parce que tu as le droit à l’erreur. Si t’as une situa­tion finan­cière stable, le risque c’est de res­ter dans sa zone de confort – pour­quoi je quit­te­rai mon entre­prise pour par­tir de zéro ? – ou si tu as des res­pon­sa­bi­li­tés… Là dans notre cas même si ça marche pas c’est pas grave, je peux retrou­ver un tra­vail, je n’ai rien à perdre. Pour ces rai­sons je pense que c’est une super période pour se lan­cer !  

Juste pour finir… j’ai une grande conscience des défis de notre socié­té et qui ne sont pas for­cé­ment dans l’écosystème cryp­to ou finan­cier tu vois. J’ai conscience que mon pro­jet entre­pre­na­rial actuel­le­ment n’est pas – de mon point de vue en tous cas – de ceux qui font le plus de bien à l’humanité. Mais je le fais déjà parce que ça me pas­sionne et que j’en ai eu l’opportunité. Main­te­nant que j’ai goû­té au plai­sir d’entreprendre, je créée­rai sûre­ment d’autres boîtes à l’avenir. Les choses ont fait que j’ai com­men­cé par là, mais je ne ferai pas ça toute ma vie je pense ! 

Ayman

INSA : un plan de sobriété, et après ? 

Dans un contexte de crise éner­gé­tique en Europe, le minis­tère de l’en­sei­gne­ment supé­rieur a détaillé des mesures à mettre en place dans la cir­cu­laire du 24 sep­tembre 2022. On y trouve notam­ment des objec­tifs de réduc­tion de 10% de la consom­ma­tion éner­gé­tique des éta­blis­se­ments publics en 2 ans. Notre école pro­pose un plan de sobrié­té com­plet qu’on va ten­ter d’analyser dans cet article. 

L’in­for­ma­tion cir­cule, l’IN­SA a vu ses fac­tures d’élec­tri­ci­té et de gaz explo­ser cette der­nière année. L’élec­tri­ci­té a aug­men­té de 2.5M€ et le chauf­fage de 1M€. Les expli­ca­tions don­nées par l’é­cole à pro­pos guerre en Ukraine et des fai­blesses du parc nucléaire fran­çais sont incom­plètes. Le four­nis­seur d’élec­tri­ci­té de l’IN­SA E‑Pango ayant fait faillite, l’é­cole s’est redi­ri­gée vers EDF occa­sion­nant un sur­coût pour l’établissement de l’ordre de 800 k€. 

Que contient ce plan ? 

Pré­ci­pi­té par ces impé­ra­tifs de crise, le plan de sobrié­té éner­gé­tique construit par la direc­tion de l’IN­SA vise un double objec­tif, consom­mer moins et consom­mer mieux. Consom­mer moins par de la réno­va­tion éner­gé­tique du parc immo­bi­lier débu­tée il y a plu­sieurs années, une meilleure exploi­ta­tion des ins­tal­la­tions tech­niques et des com­por­te­ments et des usages plus ver­tueux. Consom­mer mieux en amé­lio­rant le mix éner­gé­tique de l’établissement, en déve­lop­pant le recours aux éner­gies renou­ve­lables (réseau de chauf­fage urbain, pan­neaux pho­to­vol­taïques en auto­con­som­ma­tion) et en sup­pri­mant le chauf­fage au gaz natu­rel. 

Source : Ins­ta­gram enquete_insa

Le plan détaille ensuite un ensemble de mesures dont une part d’ordre orga­ni­sa­tion­nel, à l’é­chelle de l’é­ta­blis­se­ment et de ses enti­tés. Un temps envi­sa­gé, le télé-ensei­gne­ment ne sera pas déployé. Afin de réduire la consom­ma­tion éner­gé­tique des bâti­ments, le télé­tra­vail pour les per­son­nels sera déployé. Il est éga­le­ment évo­qué une opti­mi­sa­tion et une mutua­li­sa­tion de l’u­sage de cer­tains équi­pe­ments et appa­reils scien­ti­fiques. 

L’INSA sou­haite éga­le­ment mettre en place des mesures tech­niques de réduc­tion de la consom­ma­tion telles que : la réduc­tion des consignes de chauffe en période d’oc­cu­pa­tion et en période d’ab­sence, l’op­ti­mi­sa­tion de l’en­so­leille­ment des bâti­ments le jour et la conser­va­tion de la cha­leur la nuit, l’in­ter­dic­tion du chauf­fage indi­vi­duel, l’arrêt du chauf­fage dans les sani­taires et les cou­loirs réha­bi­li­tés après 2000, le rem­pla­ce­ment de la menui­se­rie simple vitrage, l’ar­rêt de la pro­duc­tion d’eau chaude sani­taire dans les bâti­ments d’en­sei­gne­ment, de recherche et ter­tiaires sauf pro­cess de recherche par­ti­cu­liers et les douches, la mise en veille de cer­tains équi­pe­ments (pho­to­co­pieurs), une cam­pagne pro­mou­vant l’ar­rêt des fri­gi­daires lors des périodes de vacances… 

Sous condi­tion de finan­ce­ment par le plan Rési­lience 2 (le plan éta­tique), l’IN­SA sou­haite rem­pla­cer des chau­dières à gaz par des PAC, pour­suivre l’i­so­la­tion ther­mique des bâti­ments, refaire l’ins­tal­la­tion d’un chauf­fage tout élec­trique dans une rési­dence et déployer une ins­tal­la­tion géo­ther­mie cou­plée au sys­tème de trai­te­ment de l’air de cer­tains amphis (pré­chauf­fer l’air en hiver, refroi­dir en été) 

Enfin, le plan de sobrié­té évoque un dis­po­si­tif par­ti­cu­lier en cas de sur-demande sur le réseau (Éco­watt orange ou rouge) afin de faire dimi­nuer la pres­sion par un arrêt des équi­pe­ments non essen­tiels et un report d’ac­ti­vi­té. Il est éga­le­ment fait men­tion d’un plan de conti­nui­té d’ac­ti­vi­té en cas de cou­pure du réseau élec­trique. Celui-ci n’est pas détaillé dans le docu­ment à notre dis­po­si­tion. Nous espé­rons que nous aurons connais­sance de ce plan avant que cela n’ar­rive. 

Que pou­vons-nous en tirer ? 

Mal­gré des années de mobi­li­sa­tion de l’IN­SA et des étu­diants sur les enjeux envi­ron­ne­men­taux, c’est le manque d’argent qui pré­ci­pite enfin un plan de sobrié­té consé­quent à toutes les échelles. Certes, l’INSA a déjà fait une grande par­tie du bou­lot (réno­va­tion ther­mique, sor­tie du char­bon…), et il faut recon­naître que ça va depuis des années dans la bonne direc­tion. Mais cer­taines mesures, déployables depuis des années sans inves­tis­se­ment n’ont pas été réa­li­sées. En outre il est mar­quant de consta­ter que le plan à notre dis­po­si­tion n’est pas chif­fré. Il n’y a aucun ordre de gran­deur sur la consom­ma­tion éner­gé­tique de l’IN­SA par type d’éner­gie, type d’u­sage, volume de prix. Nous n’a­vons aucune idée en le lisant des prio­ri­tés, leur temps de mise en place, leurs effets à court, moyen et long terme. Enfin, il n’y a pas de hié­rar­chi­sa­tion des actions en fonc­tion de leur : coût, gain, rapi­di­té, urgence, type (indi­vi­duel, col­lec­tif, struc­tu­rel). Il est sur­pre­nant pour une école d’in­gé­nieur de ne pas uti­li­ser les outils qui nous sont mis à dis­po­si­tion dans un tel contexte… 

À moyen terme, le risque de mon­dia­li­sa­tion du conflit rus­so-ukrai­nien et la réor­ga­ni­sa­tion des sys­tèmes éner­gé­tiques condui­ra à une ten­sion sur la res­source en stock et en flux. À long terme, le chan­ge­ment cli­ma­tique et la fini­tude des res­sources nous impo­se­ront une réor­ga­ni­sa­tion de notre monde. Il est évident que le sujet de l’éner­gie sera cen­tral ces pro­chaines décen­nies, et plus que néces­saire d’ou­vrir une réflexion à long terme sérieuse pour pen­ser la sobrié­té com­ment modèle à l’é­chelle de l’é­ta­blis­se­ment. Nous pou­vons faire énor­mé­ment avec les connais­sances que l’on nous enseigne. 

Anti­ci­pons demain !  

Mal­gré ce que peut lais­ser paraître cet article, le plan que l’IN­SA met en place est per­ti­nent et très com­plet. Main­te­nant il y a néces­si­té d’aller plus loin par le main­tien et le ren­for­ce­ment des mesures de sobrié­té, une évo­lu­tion des espaces de vie, de tra­vail, de dépla­ce­ment… et de pré­pa­rer une sobrié­té choi­sie, démo­cra­ti­que­ment orga­ni­sée, éclai­rée par de l’in­for­ma­tion, des études et des don­nées. En résu­mé, il me semble qu’il nous faut : 

  • Des don­nées ouvertes sur l’éner­gie à l’IN­SA 
  • Des dis­po­si­tifs de contrôle démo­cra­tique de l’ac­tion avec les moyens d’être éclai­rés sur les enjeux, les dif­fi­cul­tés etc. 
  • Une com­mu­ni­ca­tion régu­lière, argu­men­tée et pré­cise de la part de l’é­ta­blis­se­ment 
  • Une prio­ri­sa­tion des actions sur dif­fé­rents cri­tères 
  • Des scé­na­rios pré­pa­rés à l’a­vance pour répondre aux dif­fé­rentes situa­tions exceptionnelles.

Nico­las L. 

Coupe du monde au Qatar : un boycott trop facile

C’est la coupe du monde ! La coupe est pleine comme on dit : cor­rup­tion à tout va, scan­dales en cou­lisses, au moins 6500 ouvriers esti­més morts sur les chan­tiers dans des condi­tions de tra­vail qua­si-esca­la­va­gistes… Pour autant, le boy­cott a plu­sieurs angles morts, et si dans cer­tains cas il repré­sente une saine indi­gna­tion, dans d’autres, il res­semble à de la pure hypo­cri­sie. 

Alors, ça vous tente ou pas ? D’habitude la ques­tion se pose très peu : ça arrive tous les quatre ans alors on regarde gen­ti­ment et on sort les dra­peaux ! Mais là il y a comme un arrière-goût d’obscénité. Si encore on ne savait pas, ce n’est pas un sou­ci, on peut tou­jours faire sem­blant, mais avec toutes les enquêtes, rap­ports et repor­tages, la pos­ture de l’autruche est dif­fi­cile. D’autres rai­sons sont invo­quées aus­si : l’impact éco­lo­gique des stades cli­ma­ti­sés ou encore la culture du foot inexis­tante au Qatar. Plu­sieurs jour­naux titrent « coupe du monde de la honte ». Tou­te­fois la stra­té­gie du boy­cott est-elle appro­priée ou un peu facile, voire hypo­crite ? Peut-elle être effi­cace ou doit-on envi­sa­ger d’autres façons de contes­ter ? Mais avant d’enfiler le bleu de tra­vail, com­men­çons déjà par pré­sen­ter l’accusé : le Qatar, qu’est-ce que c’est ?  

Une « suc­cess sto­ry » à l’occidentale  

Pas­sé d’un minus­cule pays tota­le­ment mécon­nu après la fin du pro­tec­to­rat bri­tan­nique, peu­plé en grande par­tie par des familles de bédouins, à une puis­sance finan­cière, éner­gé­tique et diplo­ma­tique incon­tour­nable dans le pay­sage mon­dial, le Qatar a de quoi être fier ! Il a balayé toutes les étapes clas­siques du déve­lop­pe­ment à l’occidentale mais en quelques décen­nies seule­ment : exploi­ta­tion à fond des éner­gies fos­siles – 3ème plus grande réserve de gaz au monde après la Rus­sie et l’Algérie – ; déve­lop­pe­ment fré­né­tique et longue période de crois­sance à deux chiffres ; jeux d’influence pour échap­per aux vél­léi­té des voi­sins, en l’occurrence l’Arabie Saou­dite et l’Iran par les­quels il est pris en tenaille ; des gratte-ciel qui poussent comme des cham­pi­gnons dont 30 entre 2003 et 2008 ; impor­ta­tion en masse de main d’œuvre étran­gère ; consti­tu­tion pro­gres­sive d’un Etat pro­vi­dence encore plus « social » que la plu­part des démo­cra­ties euro­péennes : pour les citoyens qata­ris dont le nombre est autour de 300 000, l’éducation et la san­té sont gra­tuites ain­si que la plu­part des ser­vices publics, pas d’obligation de tra­vailler, reve­nus garan­tis, et une grande majo­ri­té de fonc­tion­naires !  

On peut se deman­der alors pour­quoi grand nombre de ces pays occi­den­taux pointent le Qatar comme un « sus­pect » dans le camp des puis­sants. Certes, il y a bien des che­veux dans la soupe : le pays prône un islam trop conser­va­teur et est régu­liè­re­ment accu­sé de finan­cer des groupes isla­mistes. De sur­croît les condi­tions de tra­vail y sont par­ti­cu­liè­re­ment atroces : outre le nombre incroyable des acci­dents, les tem­pé­ra­tures extrêmes, l’interdiction de se syn­di­quer, des ghet­tos insa­lubres… les tra­vailleurs sont sou­mis au bon vou­loir de leur « par­rain » via le sys­tème de la Kafa­la, abo­li depuis 2016 mais qui existe tou­jours en pra­tique (1), et ne peuvent quit­ter le ter­ri­toire sans son accord. Mais ces dif­fé­rences sont-elles si criantes que ça ? Le déve­lop­pe­ment maté­riel débri­dé implique for­cé­ment d’exploiter vio­lem­ment des popu­la­tions entières et les pays occi­den­taux sont bien pla­cés pour le savoir avec le couple escla­vage-colo­ni­sa­tion, grand cata­ly­seur de la crois­sance capi­ta­liste en Europe. L’histoire nous apprend aus­si que le rigo­risme reli­gieux tient peu en géné­ral face à ce «déve­lop­pe­ment». Dans quelques décen­nies de plus — le temps qu’une nou­velle géné­ra­tion prenne la relève — le Qatar sera pro­ba­ble­ment un pays pro­gres­siste comme un autre, et tout ira mieux dans le pire des mondes.  

Indi­gna­tions sélec­tives  

Source : Car­too­ning for peace

Si on se rap­pelle tout ça, l’attribution de la coupe du monde au Qatar est-elle vrai­ment plus scan­da­leuse qu’une attri­bu­tion à plein d’autres états ? Soit pas mal d’états dits « déve­lop­pés » puisque, en réa­li­té, com­bien peuvent pré­tendre avoir les mains propres ? Quid de la Rus­sie qui en 2018 s’était déjà illus­trée par ses attaques en Cri­mée ? Quid de la Chine, hôte des JO de 2008, et qui occa­sionne un trai­te­ment simi­laire aux Ouï­ghours ? Quid des Etats-Unis, hôtes de la CDM 2026 et cham­pions mon­diaux en fou­tage de bor­del au Moyen-Orient ? Par ailleurs, le bilan éco­lo­gique de cette coupe orga­ni­sée dans trois pays à la fois – US, Mexique et Cana­da — risque d’être beau­coup plus éle­vé rien qu’avec les dépla­ce­ments sur place !   

Ensuite quand on voit l’intrication per­ma­nente entre les inté­rêts du Qatar et les inté­rêts de plu­sieurs puis­sances dont la France en pre­mière place, dis­cu­ter d’un boy­cott ins­ti­tu­tion­nel ne va pas sans poser plein de ques­tions de cohé­rence :   

Peut-on boy­cot­ter le Qatar sans boy­cot­ter tous les matchs du Paris-Saint-Ger­main ? Filiale en plein Paris du soft power Qata­ri et grande source de reve­nus et de recon­nais­sance pour l’émirat ?   

Peut-on boy­cot­ter le Qatar sans boy­cot­ter une grande par­tie de nos besoins éner­gé­tiques ? Ce n’est cer­tai­ne­ment pas ce que l’Europe s’apprête à faire avec la crise qui arrive…   

Peut-on boy­cot­ter le Qatar sans boy­cot­ter tous les pays du golf qui pro­posent les mêmes condi­tions de tra­vail ? Et les contrats juteux d’entreprises de construc­tion occi­den­tales telles que Vin­ci qui tirent allè­gre­ment pro­fit d’une telle situa­tion pour amoin­drir leurs coûts ?   

Enfin, peut-on boy­cot­ter le Qatar sans boy­cot­ter la FIFA qui empo­che­ra des mil­liards grâce à la com­pé­ti­tion, qui est régu­liè­re­ment accu­sée de cor­rup­tion dans cette affaire et dont les cahiers des charges sont direc­te­ment res­pon­sables du gros impact éco­lo­gique de la com­pé­ti­tion ?  

Cette rapide démons­tra­tion de comp­toir ne vise pas à repous­ser l’idée en bloc, parce que l’indignation est tou­jours pré­fé­rable à l’indifférence. Mais sim­ple­ment à dire ceci : si boy­cott il doit y avoir, celui-ci doit être total et consé­quent. Sinon, on peut assi­mi­ler cela à de l’indignation sélec­tive. 

Que faire alors ?  

Amnes­ty Inter­na­tio­nal, une des pre­mières orga­ni­sa­tions à creu­ser le scan­dale des tra­vailleurs du Qatar a la pos­ture sui­vante : on sonne l’alerte sans pour autant appe­ler au boy­cott. De fait, cette alerte a été très utile puisque le Qatar a déjà en par­tie cédé aux pres­sions en abo­lis­sant sur le papier le sys­tème de la Kafa­la par exemple. Les ONG réclament aus­si un fonds d’indemnisation des vic­times. Une grosse pres­sion peut s’exercer sur la FIFA de l’autre côté pour la pous­ser à rever­ser une part de ses béné­fices aux familles des vic­times, voire à tous les tra­vailleurs des chan­tiers. Sans boy­cot­ter aus­si, on peut légi­ti­me­ment attendre de tout l’écosystème impli­qué : équipes, stars, entraî­neurs, spon­sors… d’être des vec­teurs d’alerte et de pro­po­si­tions au lieu de balan­cer des for­mules inin­tel­li­gentes et his­to­ri­que­ment fausses comme la fameuse « pas de poli­tique ici ».  

Fina­le­ment, le spec­ta­teur n’est peut-être pas le point cen­tral de cette affaire. Il est très peu pro­bable que cette coupe soit un flop, et ce qui importe n’est pas qu’elle réus­sisse ou pas – puisque le mal est fait – mais de conscien­ti­ser les pro­blèmes, d’associer au spec­tacle popu­laire du foot des signi­fiants poli­tiques très forts. Pour ma part, je regar­de­rai cette coupe du monde en espé­rant voir du chaos res­sor­tir : des ban­de­roles, des coups d’éclat, voir la médio­cri­té au grand jour de cette pénin­sule qui donne une ter­rible image du monde arabe et qui découvre le prix de ses ambi­tions, avec ses sup­por­ters sou­doyés et ses para­dis arti­fi­ciels, mais aus­si voir de pures larmes de joie, et — qui sait — des éclats d’authenticité bédouine per­dues quelque part entre les murs de béton…  

Enfin, vive le Maroc !  

P.S : cet article a été fina­li­sé un jour avant le coup d’envoi de la coupe du monde.  

Ayman 

(1) : Voir l’article du Monde Diplo­ma­tique en accès libre : Au Qatar, la « Kafa­la » pèse tou­jours. https://www.monde-diplomatique.fr/mav/156/BELKAID/58115