Bienvenue en IF

Cer­tains lieux, cita­tions, évè­ne­ments, indi­vi­dus, natio­na­li­tés, et dates, ont été modi­fiés dans un sou­ci d’a­no­ny­mi­té, mais rem­pla­cés par des équi­va­lents qui vous illus­tre­ront tou­jours bien le pro­pos. Si vous pen­sez que je déforme ou que j’exa­gère, venez en IF. 

Tout le monde connaît les IFs, mais peu connaissent réel­le­ment leurs secrets, leurs intrigues. Bien plus cap­ti­vante que Game Of Thrones, sur l’in­for­ma­tique, sau­pou­drez une petite dose d’es­prit cri­tique, d’a­na­lyses en tous genres (sym­boles, com­por­te­ments, jeux d’in­fluence) et vous aurez un mets sur­pre­nant, pas­sion­nant, et par­fois par­ti­cu­liè­re­ment conster­nant. 

l’In­fo, c’est avant tout des 
ren­contres 

En tant qu’é­tu­diant de haute vol­tige au sein de ce pres­ti­gieux dépar­te­ment (oui j’ai le melon, je ne suis qu’un IF après tout), je suis pour­tant tom­bé de haut récem­ment. Mal­gré une licence info dans une uni­ver­si­té belge et plu­sieurs années dans le milieu : Site du Zéro, forums, com­pé­ti­tions, puis star­tups avec les copains, enfin les portes s’ou­vrirent à moi : confé­rences inter­na­tio­nales rem­plies de codeurs fuyant le fisc, mafio­sos latents, ou même de cri­mi­nels finan­ciers. 

M’ayant fait ren­con­trer, du haut de mes 20 ans, des exi­lés bié­lo­russes ama­teurs de whis­kys, des savants fous bri­tan­niques de la VR, des entre­pre­neurs texans experts en e‑greenwashing sur fond de plan­ta­tion de bananes plan­tain au Gha­na, des indiens sur­mo­ti­vés qui vous bâtissent un concur­rent de Face­book en 2 heures chro­no, mais aus­si un lead mar­ke­ting armé­nien télé­tra­vaillant depuis son camp de réfu­giés à Copen­hague, un créa­teur de jeux vidéo alle­mand à la retraite qui se fai­sait une deuxième vie dans le tra­ding de Yuan, sans oublier les ingé­nieurs réseaux bur­ki­na­bais sur­me­nés par leur gou­ver­ne­ment pseu­do-démo­cra­tique, et mes favo­rites, autant sur le dan­ce­floor qu’en affaires : les cali­for­niennes ren­tières depuis leurs 16 ans, ama­trices de grands crus et de cryp­to-fémi­nisme 6.0… bref un sacré beau monde quoi. Alors autant vous dire que j’aime l’IN­SA. Temple de l’é­thique et de la com­plai­sance. Prê­cheuse de l’in­for­ma­tique propre, res­pon­sable. 

IF, cryp­to-méga­phone pour le 
tech­no-green­wa­shing ? 

De retour de vacances appre­nantes, l’IN­SA serait une oasis où je n’au­rais plus à ren­con­trer une telle faune numé­rique. Pour­tant, l’autre jour, j’é­tais à la ren­trée solen­nelle du dépar­te­ment infor­ma­tique. Après notam­ment 2 ques­tions sur les salaires à 8 chiffres, un type au style ves­ti­men­taire un peu dou­teux au pre­mier rang (que des fayots, merde ce n’est pas Ginette ici), pose sou­dain une ques­tion sur le rap­port entre
infor­ma­tique et dérè­gle­ment cli­ma­tique à 4 ingé­nieurs IFs venus dis­cu­ter car­rière et indus­trie. 

En réac­tion à cette ques­tion vicieuse il faut l’ad­mettre, le doyen des 3 ingé­nieurs, tra­vaillant pour une entre­prise de consul­ting, plus de 30 ans de car­rière, pour­tant très assu­ré et maître nin­ja habile des beaux dis­cours creux et “ins­pi­rants” au for­mat Lin­ke­din, se la ferme raide. “Bon. Tu sais je suis vieux, à l’é­poque on ne pen­sait pas à ça, tiens, toi là, la ques­tion est pour toi”. Il passe alors le micro à son voi­sin, jeune diplô­mé tra­vaillant pour un lea­der amé­ri­cain du Big Data en Suisse, pas tout à fait un mili­tant éco­lo de la 1re heure donc : “Oui, euh…” D’ac­cord, ça com­mence bien. Sa col­lègue à gauche, tra­vaillant pour la même entre­prise, habillée d’une somp­tueuse robe rouge cein­tu­rée de dia­mants (les enfants mineurs en Ango­la devaient man­quer de tra­vail ce jour-là) tente de le défendre “Notre entre­prise est neutre car­bone depuis 2010. Nous plan­tons des arbres.” Face à un tel réchauf­fé d’élé­ments de lan­gage, le débat éclate entre les inter­ve­nants. Un autre ancien lui rétorque : “Ce sont des bêtises. Ça ne suf­fit pas. Ce n’est pas comme ça que l’on va s’en sor­tir.”  

Fina­le­ment, le der­nier inter­ve­nant, un jeune entre­pre­neur cool en t‑shirt noir épu­ré, la raie du cul pas tout à fait ren­trée dans son cale­çon, dit d’un air non­cha­lant en levant les yeux au pla­fond “Nous, chez Caki Enter­prise, nous avons choi­si Omégatron.
Une cryp­to qui va révo­lu­tion­ner le monde et ne pol­lue pas comme le Bit­coin. Je crois beau­coup dans la capa­ci­té d’O­mé­ga­tron. Ce sont aux jeunes entre­pre­neurs IFs de
révo­lu­tion­ner le monde de demain avec la tech­no­lo­gie !” Bon, c’est bien, au moins le fayot au pre­mier rang a eu sa réponse, et main­te­nant vous aus­si. Bref, les éco­los, c’est pas GEN ici, déga­gez y’a rien à voir. 

L’in­for­ma­tique, c’est 
fan­tas­tique 

Voyez-vous, chères insa­liennes et chers insa­liens ? Tout com­mence ici, en IF. Vous ren­con­trez divers inter­ve­nants, diverses entre­prises. Vous faites des stages, vous voya­gez un peu. Des hommes, illustres ano­nymes, et par­fois quelques femmes, viennent vous pro­non­cer des dis­cours encou­ra­geants. Pas ques­tion de sobrié­té, pas ques­tion de pro­pos mora­li­sa­teurs.  

Votre pro­mo­tion est com­po­sée d’une grande diver­si­té d’é­tu­diants majo­ri­tai­re­ment bobo-éco­los, mais car­rié­ristes, car on n’est pas des TC tout de même, et sera soit parrainée
par une grande banque fran­çaise, aux inves­tis­seurs de droite et à la clien­tèle de gauche, soit par une asso­cia­tion de char­la­tans cryp­to-anar­chistes orga­ni­sant des séjours de luxe pour la socié­té oli­gar­chique. Vous pour­rez voya­ger sur les 5 conti­nents, de l’A­mé­rique latine à l’A­frique cen­trale. Même les pin­gouins veulent un déco­deur ISO H.265 der­nier cri en C++ et un i7 8 cœurs pour regar­der des films éro­tiques tchèques (avec des vrais mor­ceaux de consen­te­ment à l’in­té­rieur). Vous pour­rez inven­ter des tech­no­lo­gies révo­lu­tion­naires qui feront autant brû­ler la planche à billets, que la semelle de vos snea­kers édi­tion col­lec­tor lors­qu’on attein­dra +5°C, notam­ment grâce aux 10 mil­liards de giga­oc­tets de vidéo de chats et de por­no qui courent (par­fois les 2 ensemble m’a dit un FIMI).

En route vers l’u­top’IF

Mais peu importe, ce n’est pas votre pro­blème, vos profs non plus, et le gen­til mon­sieur au pan­ta­lon rose qui dirige tout le schmil­blic non plus. Vous, ce qui compte, ce sont vos études.
Le triple Ph.D fran­co-alle­mand d’IA en poche, le crâne bour­ré d’a­cro­nymes à 3 lettres, deve­nu codeur poly­glotte, la vie vous sem­ble­ra par ins­tants bien mono­tone. Alors vous bru­le­rez du kéro­sène en guise d’ul­time solu­tion, vous envo­lant vers l’i­dylle du “Digi­tal Nomad”. Vous tra­vaille­rez depuis les plus pres­ti­gieux sex-hotel du monde, avec votre fidèle Mac­Book M3 flam­bant neuf. Le code Python copié-col­lé d’un forum chi­nois, que vous pis­se­rez allè­gre­ment, abreu­ve­ra un mania du mul­ti­vers 4D, pen­dant que le reste du monde brûlera.
Boîtes de nuit après boîte de nuit, vir­tuelles ou pas selon votre humeur, vous dan­se­rez volon­tiers avec hommes et femmes de toutes les natio­na­li­tés, dans une orgie
d’in­sou­ciance et d’O­mé­ga­tron-Dol­lars lavés à blanc sur la blo­ck­chain. 

Bien­ve­nue en IF 

 

Ano­nyme  

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