Comment faire un festival qui fait du bien sans faire (trop) de mal ? 

Faire la fête, se diver­tir, se culti­ver, c’est impor­tant. Mais c’est aus­si sou­vent syno­nyme d’ex­cès et de sur­con­som­ma­tion. Aus­si, beau­coup se retrouvent exclu·es de ces acti­vi­tés, faute d’ac­ces­si­bi­li­té. Com­ment essayer de remé­dier à tout cela ? 

C’est quoi un fes­ti­val ? C’est un évè­ne­ment où l’on peut faire la fête, s’é­chap­per, s’amuser en com­pa­gnie, pour une occa­sion spé­ciale ou non. C’est l’oc­ca­sion de s’ou­vrir, de décou­vrir, d’ap­prendre. 

Un fes­ti­val, ça a aus­si des impacts, comme tout. De la nour­ri­ture y est consom­mée, du car­bu­rant est brû­lé pour s’y rendre, sans par­ler du coût éco­lo­gique du maté­riel néces­saire pour le faire tour­ner. Alors que pour­tant un fes­ti­val, ce n’est pas vital, et on peut donc se deman­der si toutes ces pol­lu­tions sont légi­times. Ça a aus­si un coût finan­cier, qui se reporte en par­tie sur les festivalier·es: peut-on vrai­ment y par­ti­ci­per quand les fins de mois sont dif­fi­ciles ? 

Evè­ne­men­tiel et éco­lo­gie 

Au Kar­na, on a conscience de tous ces pro­blèmes, et on essaie au quo­ti­dien d’y répondre. Notre enga­ge­ment ne se mani­feste pas qu’à tra­vers notre pro­jet soli­daire, mais dans toutes les facettes de notre fes­ti­val. 

Que ce soit pour la nour­ri­ture et la bière que nous pro­po­sons, ou les artistes que nous pro­gram­mons, nous pri­vi­lé­gions autant que pos­sible le local. Notre évè­ne­ment, de petite ampleur, n’a pas voca­tion à atti­rer des gens en dehors de notre ter­ri­toire d’at­tache. La nour­ri­ture que nous pro­po­sons est prin­ci­pa­le­ment végé­ta­rienne et bio­lo­gique, et tou­jours de sai­son. Et si l’on pro­pose de la viande sur le fes­ti­val, ce n’est pas n’im­porte laquelle. Elle vient d’un petit éle­vage pay­san, res­pec­tueux et bio, géré par un ancien kar­na­va­leux. C’est cela l’a­gri­cul­ture que nous défen­dons. Choi­sir de ser­vir de la viande ou non (qui plus est de porc, qui pose la ques­tion de l’in­clu­si­vi­té) est un débat que nous menons chaque année. 

Pour faire des éco­no­mies, mais avant tout par sobrié­té maté­rielle et éner­gé­tique, on fait de la récup, de la répa­ra­tion, du bri­co­lage, et on se contente du strict néces­saire. Comme c’est un évè­ne­ne­ment annuel, il y’a beau­coup de choses qu’il suf­fit d’emprunter sans néces­si­ter de les pos­sé­der. Le par­tage garde des avan­tages sur l’in­di­vi­dua­lisme. 

La ques­tion de l’ac­ces­si­bi­li­té pour tous·tes 

C’est bien beau de pro­po­ser des bons pro­duits, mais c’est sou­vent plus cher. Pour­tant, nous avons à cœur de pro­po­ser des repas acces­sibles à tous·tes, en par­ti­cu­lier nos célèbres kar­na­dahls, qui rem­plissent le ventre sai­ne­ment pour seule­ment trois euros. Cette année, nous inau­gu­rons un tarif soli­daire pour per­mettre à celles et ceux qui n’ont pas les moyens de payer encore moins que ce prix. 

Pour les entrées, nous favo­ri­sons au maxi­mum le prix libre afin que le porte-mon­naie ne soit pas un frein à la culture et à l’a­mu­se­ment. Les tarifs recom­man­dés sont modestes, en main­te­nant un com­pro­mis avec la rému­né­ra­tion des artistes. Des tarifs qui s’a­daptent à la situa­tion de chacun·e font par­tie du modèle de socié­té que nous défen­dons. Mon­trer des alter­na­tives qui fonc­tionnent est l’un de nos moyens d’ac­tion. 

L’ac­ces­si­bi­li­té, ce n’est pas que par l’argent. C’est ouvrir notre fes­ti­val à tous·tes, pro­po­ser une pro­gram­ma­tion variée, et le faire connaître en dehors de notre cam­pus pour tou­cher une grande diver­si­té de per­sonnes. C’est aus­si essayer de créer un espace où chacun·e peut se sen­tir à l’aise et à sa place. Et il y a tou­jours des pro­grès à faire, par exemple rendre notre fes­ti­val plus acces­sible aux per­sonnes en situa­tion de han­di­cap. 

Une réflexion plus large 

On peut se deman­der si tout ce que nous fai­sons pour la jus­tice sociale et envi­ron­ne­men­tale a un réel impact sur le monde. A l’é­chelle locale, nous pen­sons que oui, mais il faut aus­si mener une réflexion à plus grande échelle sur ces ques­tions. Chan­ger la socié­té est un gros chan­tier. 

Le Kar­na­val, c’est poli­tique, et ça se joue aus­si sur le ter­rain des idées. Nous por­tons des valeurs de par­tage, d’in­clu­si­vi­té, et de jus­tice sociale, par exemple à tra­vers les diverses confé­rences et échanges que nous pro­po­sons gra­tui­te­ment dans le cadre de notre Forum. Inéga­li­tés de genre, ques­tion­ne­ment du sys­tème agroa­li­men­taire, place de l’ingénieur·e et de la tech­nique, luttes sociales, et bien d’autres thé­ma­tiques seront encore abor­dés cette année. Nous sommes persuadé·es que mieux com­prendre, c’est retrou­ver du pou­voir d’ac­tion dans une socié­té qui vou­drait que l’on suive des che­mins tous tra­cés. Et ne l’ou­blions pas: faire la fête, ça per­met aus­si de gar­der du cou­rage pour conti­nuer à lut­ter ! 

Le Kar­na

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