Coopératives : l’essor d’une économie sociale et solidaire

Il y a tout juste 5 ans, à l’occasion de Noël 2016, parais­sait le numé­ro 162 de L’Insatiable. À la Une était alors inau­gu­ré le col­lec­tif Ingé­nieurs Enga­gés, né en réponse au malaise gran­dis­sant des jeunes diplô­més confron­tés à un mar­ché du tra­vail dans lequel ils ne se recon­nais­saient pas. Le mani­feste dénon­çait une offre de for­ma­tion sou­vent cal­quée sur les besoins des grandes entre­prises et puis­sances finan­cières, ne tenant notam­ment pas assez compte des enjeux envi­ron­ne­men­taux ou sociaux actuels.

Force est de consta­ter que ce col­lec­tif était bien pré­cur­seur d’une réelle pré­oc­cu­pa­tion : 5 ans plus tard, le petit pro­jet ini­tié par quelques élèves et ensei­gnants insa­liens a bien gran­di. La com­mu­nau­té Face­book « Ingé­nieurs Enga­gés » a désor­mais une por­tée natio­nale et compte près de 14 000 membres, échan­geant quo­ti­dien­ne­ment autour de diverses ini­tia­tives ori­gi­nales, loin de l’image pré­con­çue de l’ingénieur décro­chant fiè­re­ment son pre­mier CDI dans une mul­ti­na­tio­nale cotée en bourse. Ici, les maîtres mots sont proxi­mi­té, sobrié­té éner­gé­tique, recy­clage et échange. On y découvre dif­fé­rentes ini­tia­tives locales indi­vi­duelles, comme de l’artisanat de proxi­mi­té fonc­tion­nant à l’énergie renou­ve­lable et pri­vi­lé­giant la qua­li­té des pro­duits à la quan­ti­té pro­duite, mais éga­le­ment des pro­jets de plus grande enver­gure. C’est ain­si qu’on y découvre Rail­coop, une coopé­ra­tive fer­ro­viaire qui vient d’ouvrir sa pre­mière ligne de fret en novembre der­nier, et pré­voit une pre­mière ligne de voya­geurs entre Lyon et Bor­deaux à par­tir de décembre 2022. Outre l’ampleur de la tâche abor­dée, la sin­gu­la­ri­té du pro­jet est bien d’être une coopé­ra­tive : si le terme fait sou­vent pen­ser en pre­mier lieu aux regrou­pe­ments d’agriculteurs ou d’éleveurs per­met­tant de mutua­li­ser les coûts, on parle ici d’un sta­tut dif­fé­rent, la Socié­té Coopé­ra­tive d’Intérêt Col­lec­tif (SCIC). Pre­nant le contre-pied des entre­prises tra­di­tion­nelles, les SCIC garan­tissent un déve­lop­pe­ment sain aux pro­fits limi­tés et une gou­ver­nance partagée.

« Les SCIC ont pour objet la pro­duc­tion ou la four­ni­ture de biens et de ser­vices d’intérêt col­lec­tif qui pré­sentent un carac­tère d’utilité sociale »

En effet, il n’est pas ques­tion ici de titres cotés dont la valeur fluc­tue de jour en jour, mais de parts sociales aux­quelles les par­ti­cu­liers, entre­prises ou encore col­lec­ti­vi­tés peuvent sous­crire pour obte­nir une voix à l’assemblée géné­rale de la coopé­ra­tive. Ain­si, le poids de déci­sion ne dépend pas du nombre de parts déte­nues, ren­dant le pro­ces­sus de déci­sion beau­coup plus participatif.

L’autre prin­cipe fon­da­teur de la SCIC est l’affectation des béné­fices : 57,5 % au mini­mum des béné­fices doivent être réin­ves­tis dans la coopé­ra­tive, pour son déve­lop­pe­ment ou le déve­lop­pe­ment du sec­teur, par exemple le finan­ce­ment de lignes de trains moins ren­tables dans le cas de Rail­coop. Les 42,5 % res­tants peuvent alors par exemple per­mettre de rému­né­rer les socié­taires, mais de manière enca­drée et limi­tée. C’est bien ici que réside la force de ce sta­tut : l’obligation pour la coopé­ra­tive de réin­ves­tir la majeure par­tie de ses béné­fices dans son déve­lop­pe­ment crée un cercle ver­tueux per­met­tant de dyna­mi­ser et d’étendre son mar­ché, y com­pris poten­tiel­le­ment sur des sec­teurs où une socié­té tra­di­tion­nelle ne se serait pas ris­quée pour des ques­tions de rentabilité.

« L’économie sociale et soli­daire repré­sente l’avenir »

Cette force, beau­coup l’ont com­prise, comme en témoigne le nombre crois­sant de coopé­ra­tives qui voient le jour. C’est ain­si qu’a vu le jour le col­lec­tif des Licoornes, ras­sem­blant 9 coopé­ra­tives dont le point com­mun est de pro­po­ser des ser­vices éthiques, éco­lo­giques et enga­gés et œuvrant pour leur pro­mo­tion et celle des coopé­ra­tives en géné­ral. Une belle ini­tia­tive qui ne devrait pas s’arrêter là : Oli­via Gré­goire, secré­taire d’État char­gée de l’économie sociale, rap­pe­lait en novembre der­nier que l’Économie Sociale et Soli­daire repré­sente 10 % du PIB de la France et est en plein essor, mal­gré la pan­dé­mie. Tout l’enjeu est alors de conti­nuer à démo­cra­ti­ser le sec­teur pour tou­cher un plus large public, moins aver­ti, ce qui per­met­trait de sur­croît à plus de socié­taires de prendre part à ces pro­jets et d’en faci­li­ter le déve­lop­pe­ment. Visi­ble­ment, le col­lec­tif Ingé­nieur Enga­gé avait vu juste !

William

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