Alternance de discriminations

L’INSA accueille chaque année une grande diver­si­té de pro­fils par­mi les meilleurs bache­liers de France1. Voi­là la pre­mière phrase que l’on peut retrou­ver sur le site offi­ciel de l’INSA Lyon. Des enga­ge­ments forts et sur­tout bien mit en avant. Peut-être trop mis en avant ?

Des chiffres et des discriminations 

L’école se vante d’accueillir 35% de filles […] et 35% d’étudiants inter­na­tio­naux. Pour­tant, dans la filière alter­nante de génie élec­trique, toutes classes confon­dues, il a seule­ment 12% de femmes et 9% d’étudiant.e.s internationa·ux·les.2 Je suis consciente que les chiffres don­nés par l’INSA sont des moyennes mais la réa­li­té est loin d’être à la hau­teur des chiffres annon­cés pour les alternant·e·s.

Et pour connaitre l’impact de ces chiffres sur la vie des alternant·e·s, il faut deman­der aux concerné·e·s. Pour l’insatiable, j’ai réa­li­sé un son­dage auprès des alternant·e·s fai­sant par­tie des mino­ri­tés. Au-delà des femmes et des per­sonnes non-blanches, j’ai aus­si questionné

les per­sonnes LGBT+, les per­sonnes ayant des troubles men­taux ou des han­di­caps. Les résul­tats sont fla­grants. 50% disent avoir déjà vécu des dis­cri­mi­na­tions de la part d’autres élèves et 30% de la part de professeur·e·s. Par­mi ces dis­cri­mi­na­tions, on retrouve en majo­ri­té le sexisme et le racisme mais aus­si de la transphobie.

La peur par le silence

Faut-il donc chan­ger quelque chose ? La qua­si-tota­li­té des per­sonnes ques­tion­nées3 pensent que l’INSA peut (et doit !) mettre plus en avant les ques­tions de diver­si­té et de com­bat contre les dis­cri­mi­na­tions. Bien sûr, je n’ai pas ques­tion­né tout le monde, mais j’estime que les per­sonnes qui n’ont jamais vécu de dis­cri­mi­na­tion de par leur sta­tut pri­vi­lé­gié4 n’ont pas à répondre à ça. Aus­si, chacun·e·s d’entre nous a inté­rio­ri­sé ces dis­cri­mi­na­tions, ces dif­fé­rences. Certain·e·s diront, mal­gré leur sta­tut de mino­ri­té, qu’il ne faut pas trop don­ner de l’importance à ces sujets. Cela pour­rait déran­ger, cho­quer, éner­ver. Si vous réagis­sez de cette façon c’est que vous faites par­tie du pro­blème. Nous devons déran­ger, cho­quer et éner­ver cel­leux qui pensent que leur tran­quilli­té est plus impor­tante que les droits fon­da­men­taux des autres. Etu­dier et tra­vailler en paix est un droit fon­da­men­tal pour tout élèves à l’INSA même en alternance.

Si vous n’êtes tou­jours pas convaincu·e·s, réflé­chis­sez aux consé­quences que cela peut avoir. Des élèves discriminant·e·s devien­dront des ingénieur·e·s discriminant·e·s. Aujourd’hui, 55% des femmes disent avoir déjà vécues des pro­pos sexistes sur leur lieu de tra­vail5 et 66% des demandeu·r·se·s d’emplois estiment que la cou­leur de peau est péna­li­sante à l’embauche6. A l’INSA, plu­sieurs alter­nantes aime­raient chan­ger d’entreprise à cause du sexisme vécu. Mais com­ment peut-on espé­rer amé­lio­rer la situa­tion si nos élèves ne sont pas mieux que nos ingénieur·e·s actuel·le·s ?

Aux chan­ge­ments !

Le chan­ge­ment passe par l’éducation, et c’est le rôle de l’INSA d’éduquer ses élèves – ou alors de ne pas recru­ter des opresseu·r·se·s. Pour être admis·e en alter­nance à l’INSA, le che­min est long. Vous devez entre autres pas­ser un entre­tien oral. Il suf­fi­rait à l’administration de rajou­ter une ques­tion sur les sujets de socié­té, d’égalité. Et de prendre en compte la réponse – à même titre que les notes de mathé­ma­tiques ou de phy­sique. L’INSA jouit d’une répu­ta­tion posi­tive qui entraine de nom­breuses demandes de recru­te­ment pour cha­cune de ses filières. Il est donc faci­le­ment pos­sible de trou­ver 25 futur·e·s ingénieur·e·s compétent·e·s et qui ne dis­cri­minent pas les autres.

En tant qu’école, l’INSA et son admi­nis­tra­tion se doivent de for­mer des ingénieur·e·s de qua­li­té. Ces ingénieur·e·s auront pour la plu­part une équipe à gérer. L’INSA ne doit plus per­mettre à des opresseur·eus·es d’être chef·fe·s ou cadres. Elle leur donne l’opportunité de dis­cri­mi­ner, insul­ter, har­ce­ler – ou pire – des employé·e·s, sou­vent en toute impu­ni­té. L’administration doit prendre ses res­pon­sa­bi­li­tés et modi­fier ses manières de recrutement.

Marie

1  https://www.insa-lyon.fr/fr/insa-lyon

Moyenne des trois classes de GEA actuelle

3  Son­dage réa­li­sé pour l’Insatiable

4  Cou­cou les hommes blancs hété­ros cisgenres

5  Vio­lences sexistes au tra­vail : les chiffres chocs d’une enquête euro­péenne, Le Monde, 12/10/2019

6  Dis­cri­mi­na­tions à l’embauche, de quoi parle-t-on ? Minis­tère du tra­vail, de l’emploi et de l’insertion, 15/04/2016

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