Lettre au Président de la République

Mon­sieur,

Je suis scan­da­li­sé, la situa­tion est aber­rante, on pour­rait croire à une plaisanterie.

Nous sommes l’avenir de la France mais nous sommes, encore plus depuis le début de cette crise, trai­tés à la marge. Vous sem­blez ne pas dai­gner vous sou­cier de nous. 

Nous avons été oubliés, accu­sés, j’irai même jusqu’à dire que votre gou­ver­ne­ment pro­fite de nos fai­blesses de jeunes adultes, de nos dif­fi­cul­tés à faire entendre notre voix. Nous ne sommes pas écou­tés et encore moins entendus.

Nous ne pesons qu’un faible poids sur les balances poli­tiques et éco­no­miques, donc à quoi bon se pré­oc­cu­per de nous ? Et puis que pou­vons nous faire face à vous de toutes façons, à part nous taire et pleurer ?

Nous sommes une géné­ra­tion sacri­fiée, c’est nous qui devront rem­bour­ser la dette qu’accumule le pays et dont au final on ne pro­fite même pas.

Le plus trou­blant est que vous agis­sez ain­si le plus natu­rel­le­ment du monde, voi­là des années que la France est habi­tuée : «Les pro­chaines semaines, je vais être hon­nête avec vous, vont être assez dures» — votre dis­cours face aux étu­diants de Paris-Saclay. Vos paroles deviennent auto-réa­li­sa­trices, com­ment pour­rait-il en être autre­ment si rien de plus n’est mis en place ? Nous avons subi cette poli­tique pen­dant trop long­temps, comme bien d’autres. Il est temps de nous faire entendre.

Je veux pou­voir dire à mes pairs : le pire est der­rière nous, tout va être mis en œuvre pour amé­lio­rer la situa­tion, finan­cière comme psy­cho­lo­gique, de cha­cun. Nous ne souf­fri­rons plus de l’isolement, nous allons être écou­tés, considérés…

Mais vos actes révèlent que vous n’êtes pas d’accord.

Le bud­get pour aider les étu­diants (2,78 mil­lions de fran­çais en 2021) et les per­sonnes en situa­tion de pré­ca­ri­té (8,9 mil­lion d’après l’Insee dont 107 000 étu­diants selon le Secours Popu­laire Fran­çais) s’élève à 2 mil­liards d’euros, d’après La Tri­bune qui se base sur le qua­trième bud­get rec­ti­fié des dépenses.

Le mon­tant des aides cumu­lées pour le sport s’élève à 3 mil­liards d’euros, se vante le Ministre de l’éducation natio­nale, de la jeu­nesse et du sport dans un communiqué.

C’est une plai­san­te­rie ? Plu­tôt que de pro­po­ser aux jeunes des infra­struc­tures de sou­tien et d’aide, vous pré­fé­rez avoir un joli stade de foot à pré­sen­ter aux jeux olympiques ?

C’est à cause d’un tel manque de consi­dé­ra­tion que les étu­diants sombrent un à un dans une détresse psy­cho­lo­gique et pour beau­coup, une dépression.

Nous nous trans­for­mons en fan­tômes, per­dons notre moti­va­tions, notre éner­gie et le goût de la vie, qui devrait pour­tant nous carac­té­ri­ser; la force de l’âge ! Mais non, cette crise a, pour cer­tains d’entre nous, gâché les plus belles années de nos vies.

Outre votre négli­gence de nos besoins finan­ciers, ce sont nos besoins psy­cho­lo­giques qui sont mis de côté, voir réfu­tés depuis le début de cette crise. Il faut, je pense, que vous pre­niez conscience que pour n’avoir rien fait, vous avez une part de res­pon­sa­bi­li­té dans les drames et la détresse psy­cho­lo­gique des étudiants.

Un étu­diant sur six à renon­cé à ses études selon un rap­port de l’Assemblée Natio­nale. Un étu­diant sur cinq en droit à déjà eu des pen­sées sui­ci­daires, d’après une étude menée sur 3375 étudiants.

Il serait absurde de deman­der d’améliorer notre situa­tion au détri­ment d’autres groupes sociaux. Je pense que nous pou­vons amé­lio­rer la situa­tion de chaque étu­diant, tout en rédui­sant les risques de trans­mis­sion du virus et sans dégra­der la situa­tion des membres de notre société.

Cepen­dant ça ne sera pas pos­sible sans agir.

Il faut mettre en place des pro­ces­sus nou­veaux, basés sur des idées nou­velles. Vous ne sem­blez pas avoir ces idées, ou ne sem­blez pas vou­loir assu­mer les res­pon­sa­bi­li­tés de la prise de déci­sions qu’elles impliquent. Vous avez été et vous êtes dépas­sé par les évè­ne­ments, inutile de reje­ter ma demande sous pré­texte de perdre en auto­ri­té aux yeux des fran­çais, vous avez besoin d’aide. Per­sonne en ces temps de crise ne peut vous le repro­cher. Il ne fait pas bon être étu­diant en 2020/2021 mais j’imagine qu’il ne fait pas bon être pré­sident non plus. Mon inten­tion n’est pas de reje­ter toute les fautes sur vous, comme nous tous vous êtes vic­time de cette crise, mais bel et bien de trou­ver des solu­tions pour que nous puis­sions avan­cer, tous ensembles.

Des mesures timides ont été prises récem­ment, c’est une très bonne chose mais ce n’est pas assez. Nous avons déses­pé­ré­ment besoin de sor­tir du gouffre dans lequel nous sommes.

Je suis per­sua­dé que nous pou­vons faire mieux, il faut faire mieux!

Avant l’action, nous avons besoin d’information, il faut deman­der aux uni­ver­si­tés de trans­mettre des tests éla­bo­rés par des psy­cho­logues, pour que nous puis­sions connaître le sen­ti­ment des étu­diants à l’échelle natio­nale. Nous sommes embrouillés par trop de son­dages et d’enquêtes aux résul­tats contradictoires.

Au vu de la gra­vi­té de la situa­tion, je ne peux me per­mettre d’envoyer une simple lettre. Si rien n’est mis en place, je com­men­ce­rais lun­di 22 février 2021 une grève de la faim, jusqu’à l’organisation d’une ren­contre avec un repré­sen­tant de l’état.

Dans l’espoir d’arranger les choses, je vous prie, Mon­sieur, d’entendre les plaintes d’une jeu­nesse déchirée.

Paul Mot­tet
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Cette lettre a été envoyée à M. Emma­nuel Macron, Pré­sident de la Répu­blique, le 21 Février 2021.

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