Voici une nouvelle colorée et enchantée que nous propose Amandine dans le cadre du concours de nouvelles 2017. Une inspiration sans limite est en œuvre ici, à croire que la magie n’a pas envahi que l’histoire, dommage que cette nouvelle n’en demeure qu’une…
Je suis morte. Mais de là où je suis, je me dois de vous prévenir des dangers dont vous ignorez tout !
La magie existe, elle est tout autour de vous. Je suis moi-même — enfin, j’étais moi-même — une sorcière. J’étais liée à mes deux sœurs et nous avions une magie vraiment unique en son genre : sans baguette et grimoire, nous ne pouvions plus nous en servir. Mais elle était convoitée par les Ténébreux, la pire partie de l’humanité. Ayant découvert notre secret, ils tentent tout depuis des siècles pour posséder la magie des sorciers de La Confrérie. Je dois ma mort à l’un d’eux, leur chef : Otso Asgeir. L’expérience, qu’il avait menée sur lui afin d’être comme nous, l’avait transformé, défiguré : il était devenu un ogre monstrueux, difforme et terrifiant.
Un matin d’avril, je reçus un télégramme de La Confrérie : ils avaient aperçu Otso à seulement 10 miles de notre bunker. Oui, avec mes sœurs nous habitions dans un bunker, très cosy d’ailleurs. Il était caché par un filtre de perception. Ainsi, personne, autre que nous trois, ne pouvait voir que nous l’habitions. Mes sœurs étaient parties au QG de la Confrérie la veille pour régler quelques affaires. J’étais donc seule pour protéger le bunker et les innocents.
La journée passa, rien à signaler. Mais à la tombée de la nuit, j’entendis quelqu’un hurler sur le toit du bunker. Je sortis le plus vite possible. Je devais sauver cet innocent. Mais quand je suis arrivée, il était trop tard. C’était un piège d’Otso.
Avada Kevadra. Il évite le sort et s’élance vers moi. Je m’enfuis alors. Je courus comme jamais je n’avais couru. Je devais protéger la Confrérie, ma magie et ma vie. Mais une racine vint stopper ma course, j’eus juste le temps de détruire ma baguette avant qu’il ne m’assomme et m’emmène dans son repère.
Je me réveillai dans une cave peu éclairée, les Ténébreux voulaient notre magie et surtout notre grimoire.
Mes sœurs ne savaient pas que j’avais été kidnappée, j’étais donc seule pour l’instant. Otso m’expliqua les règles de ma détention. Pour ne pas éveiller les soupçons des innocents qui me connaissaient ou de la Confrérie, nous allions tous les jours nous promener dehors. Mais si je tentais de m’enfuir, ils tueraient tous les innocents de la ville en commençant par ceux que j’aime. Chaque jour, il allait me torturer jusqu’à ce que j’avoue où j’avais caché notre grimoire.
Pendant toute une semaine, ce fut le même rituel, nous traversions la ville à pied, j’adressais mes salutations aux innocents, nous rentions, il me ligotait dans la cave et me torturait toute la nuit. Mais je résistais, je n’avouais rien, je devais protéger notre magie et la Confrérie.
Plus les jours passaient, plus j’espérais, la venue de mes sœurs. Il était impossible pour moi de m’en sortir seule sans que la vie d’innocents ne soit en danger.
Mais la deuxième semaine, Otso changea totalement de stratégie. Il ne me torturait plus, au contraire, il me chouchoutait presque. Il m’amenait tout ce que je voulais et lors de nos promenades me laissait parler avec certains des innocents. J’adoptai alors moi-même une stratégie. J’avais maintenant la possibilité d’avertir des innocents de ma détention et ces derniers pourraient alors prévenir mes sœurs. Je regagnais espoir !
Dès que j’entamais une discussion avec un innocent, j’utilisais alors des mots ou des gestes qui leur permettraient de comprendre que ce monstre me retenait prisonnière. Mais dès qu’Otso avait des doutes sur mes paroles, nous rentions immédiatement.
Au seizième jour, je tentai le tout pour tout. Quand j’aperçus mon amie Tina, une innocente policière, je lui dis clairement mais doucement : “il m’a kidnappée”. Cependant, tout mon plan s’effondra quand je compris qu’il avait entendu cela. Il me plaqua contre un arbre et me souleva du sol. Il m’obligea à avouer sur le champ l’endroit où je cachais le grimoire. Jamais je ne le dirais, JAMAIS. Je tentais de me défaire de son emprise, quand j’entendis Tina derrière lui, lui ordonner de me lâcher. Elle pointait son arme sur lui. La peur m’envahit, elle aurait dû s’enfuir, elle aurait dû sauver sa vie et me laisser. Je savais qu’il allait la tuer. “À la bibliothèque. Le grimoire est à la bibliothèque.” Il me lâcha violemment, se retourna et d’un coup brisa le cou de Tina. Je hurlai et pleurai. Par ma faute, une innocente était morte. J’avais failli à mon rôle et mon amie était morte.
Mon temps était compté. Je savais à présent que rien ne l’arrêterait, je devais absolument gagner du temps, chaque seconde comptait, je devais agir vite, très vite.
Arrivés à la bibliothèque, nous entrâmes par l’entrée principale. Nous en fîmes plusieurs fois le tour avant que je fasse semblant de me rappeler que le grimoire était dans une cave, dont on ne pouvait accéder que par l’extérieur du bâtiment. Gagner du temps. Je devais gagner du temps. Nous sortîmes et arrivâmes devant la petite porte permettant l’accès aux caves derrière la bibliothèque. Le Grand Otso Asgeir était tellement grand qu’il eut du mal à passer cette petite porte étroite. J’ai bien cru qu’il ne passerait jamais.
Une fois à l’intérieur, je me dirigeai vers la section des livres anciens et trouvai mon grimoire. Dès que je le pris, je sus. Je sentais une magie très particulière qui le protégeait. Mes sœurs avaient compris. Elles avaient lancé un sort de protection sur lui. Nul autre que nous trois ne pouvait le toucher. Je regagnai espoir. La bataille n’était pas encore perdue. Sachant pertinemment cela, je lui tendis le grimoire. Il reçut une telle décharge qu’il fut propulsé à l’autre bout de la cave. Mais je ne pouvais pas m’enfuir, il était trop dangereux, je devais le détruire. Mais sans baguette, je n’étais qu’une simple innocente. Il se releva presque aussitôt et m’ordonna d’enlever cette protection. Il savait que c’était impossible. Il me prit de force par le bras et nous quittâmes cet endroit.
Non. Non. Non. Je connaissais beaucoup trop bien le chemin que nous empruntions. Nous allions au bunker. Mais comment avait-il su ? Comment ? La panique m’envahit, je serrais dans mes bras mon grimoire aussi fort que je le pouvais. Mon heure était venue, je le savais, j’en étais certaine.
Par miracle, quand nous y arrivâmes, le bunker était envahi par un groupe de touristes boliviens. Nous montâmes sur le toit. Otso attendait qu’ils se soient dispersés avant de m’obliger à ouvrir la porte débordée de notre bunker. C’était le dernier instant qu’il me restait pour trouver un plan. Je cogitais. Je cogitais. Je regardai là où se trouvait la porte dérobée et vis deux jeunes hommes, bien trop stoïques pour être de simples visiteurs. J’avais compris, c’était mes sœurs qui s’étaient transformées pour passer inaperçues. Mais elles ne me voyaient pas, elles étaient figées. Je n’étais qu’à deux mètres de la porte et une fois celle-ci franchie, j’aurais été en sécurité. Malheureusement, ce n’est pas la fin que j’aurais voulue, qui arriva.
Je fis un seul et unique pas vers la porte, mais j’entendis le téléphone d’Otso sonner. Ce dernier ne sonnait qu’en cas de message de la plus haute importance. C’était mon arrêt de mort. Mon acte de décès était déjà signé. Je m’élançai alors vers la porte. Trop tard. Il était plus rapide que moi. Une lame longue et fine vint s’abattre dans mon dos. Ma course fut stoppée nette dans un hurlement de douleur. Il me retint de telle sorte qu’il me posa au sol doucement. J’agonisais dans une mare de sang et lui m’apprenait d’affreuses vérités.
— “Votre magie à toutes les trois est liée. Mais elle est tellement liée que si l’une de vous trois meurt, votre magie disparaît à tout jamais. Ton sacrifice était nécessaire pour les Ténébreux. Si j’avais pu éviter cela, je l’aurais fait. Je commençais à apprécier ton sale caractère, tu aurais pu devenir le guide des Ténébreux et régner à mes côtés sur ses rats que vous appelez les innocents.
— Ce crime sera puni par la Confrérie. Les Grands Mages vous condamneront. Ce sera le plus beau procès de tous les temps.
— Aucun système ne m’arrêta, ni moi, ni les Ténébreux. JAMAIS. Puisque moi, je suis contre la démocratie ! ”
Amandine Le Barrois d’Orgeval