Nouvelle candidate à l’édition 2017 du concours de nouvelles de L’Insatiable, « Barbecue entre amis » traite d’une scène qui vous sera très sûrement familière lors des repas de familles. Quand l’oncle Richard commence à parler des bienfaits que le Front National aurait sur la répartition des couleurs dans le spectre, on sait que le dessert va tarder à arriver…
— “Moi, je suis contre la démocratie !
— Mouais… Joseph, file deux saucisses s’il te plait.
— Non, mais écoute, selon toi, qu’est-ce qui est la meilleure solution ? Qu’un peuple majoritairement ignorant sur les questions importantes telles que l’armée et la défense décide ou que ce soit un dirigeant éclairé ? Moi, le choix est vite fait. Et mets-moi deux merguez Joseph, s’il te plaît.
— Voilà ! Rien de tel qu’un barbecue pour résister à cette chaleur de plomb. Et Francis, ne remets pas le couvert sur un débat dont on a déjà parlé des centaines de fois. Je te répète que la démocratie, c’est la mode actuelle, tu n’y peux rien. C’est l’avenir…
— Depuis quand es-tu devenu aussi réaliste et fataliste ? C’est la chaleur qui t’anéantit ?
— C’est sûr que je préfère le froid, mais bon on n’a pas trop le choix… Et non, c’est juste que tu te trompes sur mon ton, l’ironie est palpable, mais tu sembles la manquer…
— Dit l’homme qui n’est absolument pas connu pour son sens de l’ironie…
— Calme, Benoît, recentrons le débat tu veux. Qu’est-ce que vous lui trouvez à la démocratie ? C’est juste un ramassis d’idéaux morts depuis des siècles qui sert uniquement à faire réélire les mêmes pantins au gouvernement. Ces mêmes pantins élus par les mêmes imbéciles qui croient uniquement ce qu’on veut bien leur laisser gober… Et encore, quand ils votent, parce que la moitié d’entre eux préfèrent tondre la pelouse ce jour-là. Et je ne préfère pas vous parler des politiques corrompus jusqu’à la moelle ou des lois abusives passées sous le manteau parce que sinon je vais encore m’énerver…
— Mais, c’est justement ça qui est drôle ! Sous le prisme de l’ironie, regarde ce que donne la démocratie au sommet de sa puissance. Donald Trump aux USA, le Brexit au Royaume-Uni, la montée du nationalisme en France et dans tous les pays du monde. L’histoire se répète inlassablement, l’humanité fait encore et toujours les mêmes conneries…
— Haaaa, les années 40, le bon vieux temps… Vous vous souvenez, hein, Francis, Joseph ? On n’avait pas de problème de chômage, ni crise, pas d’immigration illégale… Ce n’est pas la démocratie aujourd’hui qui arriverait à de tels résultats.
— Ne perds pas espoir, la dernière fois, tout a commencé avec une élection. La Liberté qui s’éteignit sous des applaudissements…
— Ouais, ouais, je sais, mais bon je continue de penser que la démocratie, c’est comme donner de l’argent aux cochons, ça fait joli sur le papier, mais ça ne leur sert à rien et ils ne sont pas plus contents avec.
— Si je puis me permettre d’interrompre votre discussion, messieurs, le reste de la nourriture est en train de flamber.
— Cela ne nous changera pas de d’habitude, Francis, et puis la nourriture spirituelle est préférable à la nourriture physique.
— Ha ha ha, tu as leur a dit ça aux millions de gens qui sont morts de faim pendant l’hiver, hein Joseph ? Je suis sûr qu’ils ont dû apprécier.
— Écoute, je n’avais pas le choix. Soit je perdais le pouvoir, soit je sacrifiais 8 millions de personnes, tu aurais fait comme moi. Et puis, quand on a ordonné le massacre de Guernica, on n’a pas de leçon à donner, hein Francis ?
— Allez les gars, on se calme, on reprend… Ça fait bientôt 45 ans que je suis là et je vous entends vous engueuler tout le temps… De toute façon, la démocratie, cela ne sert plus à rien qu’on en parle, ce sera bientôt complètement passé de mode. Regarde ceux qui sont arrivés aux pouvoirs. La Grande-Bretagne après avoir voté le Brexit, encore une des plus belles réussites de la démocratie de ces dernières années en passant, va être bien vite rejointe par d’autres pays. Et puis avec l’insécurité et l’abstentionnisme en masse, les voix pour les extrêmes vont passer comme des lettres à la poste entraînant la dissolution de l’Union Européenne et donc du garde-fou antiguerre européenne.
— Et là tu vois, l’ironie est géniale, mon cher Joseph. L’ensemble des hommes qui auront œuvré à notre perte vont se retourner dans leur tombe quand leurs petits-enfants détruiront l’ensemble de ce qu’ils ont construit parfois avec leur propre mort.
— Je résume ta pensée si tu le veux bien. Nous, grands dictateurs de notre temps, louons la démocratie ?
— Sous toutes ces formes, sous toutes ces formes…
— Bon Messieurs, finissez vos saucisses tant qu’il y en a. Quelque chose me dit que d’ici quelques années, nous aurons de la compagnie aux Enfers.”