Pour une réforme du modèle social de l’INSA n’entraînant pas une hausse des frais d’inscription

Com­mu­ni­qué de presse
Date : 12 décembre 2021
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A l’at­ten­tion de mon­sieur le direc­teur, des membres du Conseil d’Administration de l’INSA de Lyon, des élu·e·s au Conseil des Études de l’INSA de Lyon, des représentant·e·s des étudiant·e·s et du per­son­nel, des asso­cia­tions et syn­di­cats, ain­si que de tou·te·s les étudiant·e·s de la com­mu­nau­té INSA.

Voi­là main­te­nant bien­tôt 1 an que les direc­tions du groupe INSA se sont lan­cées dans un pro­jet de réforme du modèle social dont l’ob­jec­tif affi­ché est d’a­mé­lio­rer la diver­si­té étu­diante dans nos écoles. Le jeu­di 16 décembre après-midi seront votées les grandes orien­ta­tions de cette réforme à l’IN­SA de Lyon. Les moyens de mise en place (le finan­ce­ment) ne seront déci­dés que par la suite en avril-mai 2022.

Nous crai­gnons que si ces grandes orien­ta­tions sont votées, la mise en place des mesures pour y répondre néces­si­te­ra un finan­ce­ment par l’augmentation des frais d’inscription par paliers jusqu’à 2500€/ an.

Face à ce pro­jet de réforme, nos inquié­tudes sont multiples.

1. L’INSA est-elle capable de mettre en place un ser­vice de redis­tri­bu­tion performant ?

Un an après la mise en place du pro­gramme “Bien­ve­nue en France” qui implique l’augmentation des droits d’inscription pour les étu­diants étran­gers, nous n’avons pas d’information sur l’usage des cen­taines de mil­liers d’euros récol­tés par cette aug­men­ta­tion. Cette année la direc­tion des rela­tions inter­na­tio­nales a fait de nom­breuses erreurs dans ses ver­se­ments de bourses AMI en ver­sant un mon­tant trop impor­tant à des étu­diants qui ont dû rem­bour­ser le sur­plus. A cela s’ajoute un retard sur son obli­ga­tion de délai contrac­tuel sur les bourses Eras­mus. En 2019, par erreur du secré­ta­riat du FIMI, des étudiant·e·s ont per­du injus­te­ment leur bourse CROUS pour absen­téisme avant rectification.

L’INSA peine aujourd’­hui à res­pec­ter ses obli­ga­tions et à assu­rer ses mis­sions, deve­nant un poids pour les finances des étudiant·e·s usa­gers de ses ser­vices (sta­tuts et sous-équi­pe­ment des loge­ments). Est-il vrai­ment réa­liste de vou­loir lui confier en plus des mis­sions de redis­tri­bu­tion ? Toutes nou­velles mis­sions risquent de se faire au détri­ment des autres, voire d’en­glou­tir tout le bud­get déga­gé au nom du modèle social.

De plus, aug­men­ter les droits d’inscription sous cou­vert de vou­loir mettre en place un sys­tème de redis­tri­bu­tion interne à l’INSA, c’est vou­loir se sub­sti­tuer au rôle de l’Etat et dès lors accep­ter et encou­ra­ger son désen­ga­ge­ment. Les com­pé­tences néces­saires à l’action sociale ne sont pas celles des uni­ver­si­tés et des grandes écoles, et ne peuvent s’improviser. Vou­loir trans­mettre aux écoles ce rôle redis­tri­bu­tif, c’est assu­mer que l’école publique n’est plus uni­ver­selle. Cela revien­drait à pas­ser d’un mode de déci­sion démo­cra­tique et col­lec­tif à un mode de déci­sion local qui dépen­drait du bon vou­loir des écoles et des directions.

Cela n’est pas sou­hai­table. C’est à l’échelle natio­nale que sont et doivent être orga­ni­sés les pré­lè­ve­ments et la redistribution.

2. La direc­tion est-elle capable de défendre l’augmentation des DI (droits d’inscription) ?

Toute la com­mu­ni­ca­tion est axée sur la réforme du modèle social alors que ce pro­jet s’ac­com­pagne d’un chan­ge­ment de modèle des frais d’ins­crip­tion. Or rien n’est pré­vu pour qu’un débat sur les frais ait lieu, mal­gré des demandes répé­tées. Le prin­ci­pal argu­ment pré­sen­té est que « Pour sau­ver notre modèle social, il faut aug­men­ter les frais. Qui s’y oppose est contre la jus­tice sociale. » sans qu’aucune ana­lyse socio­lo­gique sur l’impact de l’augmentation des frais d’inscription n’ait été réa­li­sée. Les risques sont pour­tant nom­breux : aug­men­ta­tion de l’auto-censure des classes les moins favo­ri­sées, dépen­dance accrue à la famille pour mener (et choi­sir ?) ses études, dif­fi­cul­té de réorien­ta­tion, anxié­té accrue, divi­sion entre les étu­diants, sen­ti­ment d’être rede­vable envers ses parents au lieu de la socié­té, ins­tau­ra­tion d’une rela­tion client/fournisseur, déve­lop­pe­ment des prêts étudiants…

Pour rap­pel, très tôt, une com­mis­sion char­gée de réflé­chir à l’échelonnement des frais a été mise en place alors qu’aucun objec­tif n’é­tait fixé. Mal­gré une forte oppo­si­tion aux DI depuis plu­sieurs mois, aucun contre modèle sans DI n’a été pro­po­sé par la direction.

Aucune ana­lyse socio­lo­gique sur l’im­pact de l’aug­men­ta­tion des frais de sco­la­ri­té n’a été réalisée

Les direc­teurs des INSA disent réflé­chir à d’autres leviers de finan­ce­ment : mécé­nat via les Fon­da­tions et Alum­ni, actions auprès des pou­voirs publics. Ces pistes ne font l’objet d’aucune pré­sen­ta­tion et d’aucune annonce stra­té­gique. Ces pistes nous paraissent par ailleurs peu cré­dibles et dan­ge­reuses pour l’indépendance de l’INSA. Quelles contre­par­ties exi­ge­ront les entre­prises pri­vées par­ti­ci­pant au finan­ce­ment ? Que se pas­se­ra-t-il lorsqu’une entre­prise ou col­lec­ti­vi­té déci­de­ra d’arrêter son financement ?

3. L’analyse de la baisse de la diver­si­té dans les INSA et les réponses asso­ciées sont-elles assez solides ?

L’en­semble du dis­cours de la direc­tion tourne autour de l’i­dée qu’il “faut atti­rer plus de diver­si­té”, “don­ner la chance à ceux qui en ont moins”, se basant sur l’i­dée que la popu­la­tion “CSP-” se détour­ne­rait de l’INSA et qu’il fau­drait la rat­tra­per. La direc­tion envi­sage alors des actions coû­tant plu­sieurs mil­lions d’eu­ros dans ce sens. Pour­tant aucune ana­lyse ne prouve que les “CSP-” can­di­da­te­raient moins à l’IN­SA qu’a­vant et le livre blanc de l’IGB conclut même le contraire. Consta­tant une aug­men­ta­tion du nombre de can­di­da­tures en 1A de 48% en 5 ans, l’IGB déclare : ” le concours de recru­te­ment s’avère plus sélec­tif et le taux d’entrée a dimi­nué de 3,7 points en 5 ans, pas­sant de 14,7% d’admis en 2015 à 11% en 2020. Cette hausse de la sélec­ti­vi­té peut expli­quer en par­tie les évo­lu­tions de la com­po­si­tion sociale des INSA “. Ain­si, de nou­veaux can­di­dats “CSP+”, atti­rés par la renom­mée crois­sante de l’IN­SA, pren­draient les places d’é­tu­diants “CSP-” qui auraient pour­tant été sélec­tion­nés il y a 5 ans de ça.

Éton­nam­ment, la direc­tion de l’IN­SA évite soi­gneu­se­ment de dis­cu­ter de cette ana­lyse et de la solu­tion asso­ciée : une réforme des cri­tères de sélec­tion pour­rait entiè­re­ment inver­ser la baisse de la diver­si­té, sans bais­ser le niveau sco­laire his­to­rique des étudiant·e·s entrant·e·s et pour un coût qua­si-nul. Quel inté­rêt de dépen­ser des mil­lions d’eu­ros pour atti­rer de nou­veaux “CSP-” quand celles et ceux qui can­di­datent déjà ne sont aujourd’hui plus sélectionné·e·s ? 89% des candidat·e·s n’in­tègrent déjà pas l’IN­SA et l’hy­po­thèse selon laquelle il exis­te­rait encore des “CSP-” capables de riva­li­ser avec les nou­veaux “CSP+” dans les clas­se­ments et qui ne can­di­da­te­raient pas déjà à l’IN­SA paraît très faible.

Une réforme des cri­tères de sélec­tion pour­rait entiè­re­ment inver­ser la baisse de diver­si­té pour un coût qua­si nul

Ain­si, non seule­ment le constat n’est pas bien posé par la direc­tion (elle ne sait pas vrai­ment pour­quoi il y a une baisse de la diver­si­té), mais en plus des actions qui coû­te­raient des mil­lions pour­raient n’a­voir aucun résul­tat béné­fique. Aucune étude sur la per­ti­nence des actions pro­po­sées n’a été faite. Sur quelle base solide repose donc cette réforme ?

4. Cette aug­men­ta­tion des droits d’ins­crip­tion dans l’enseignement supé­rieur et la recherche va-t-elle s’ar­rê­ter un jour ?

Nous consta­tons la ten­dance géné­rale de l’augmentation des frais d’ins­crip­tion dans tout l’ESR (Cen­trale, Les Mines, Arts et Métiers, UTT…) avec de nom­breuses réformes locales qui se suc­cèdent, et, au niveau natio­nal, avec le plan Bien­ve­nue en France en 2018 où les DI pour les étudiant·e·s étranger·e·s sont pas­sés de 601€ à plu­sieurs mil­liers d’euros. Dans d’autres pays (Angle­terre, USA, Chi­li…) lorsque l’ouverture à la déré­gu­la­tion a eu lieu, cela a conduit à une aug­men­ta­tion régu­lière des DI jusqu’à des sommes miro­bo­lantes s’accompagnant d’une géné­ra­li­sa­tion de l’endettement des étudiant·e·s.

Cela étant dit, l’augmentation des frais s’inscrit dans une stra­té­gie de long terme déployée par notre minis­tère depuis plu­sieurs années. Le pas­sage au RCE invite les éta­blis­se­ments à trou­ver leurs propres moyens de finan­ce­ment, cas­sant ain­si le prin­cipe de finan­ce­ment par l’impôt. L’augmentation des DI fait par­tie de ces nou­veaux modes de finan­ce­ment. Si le groupe INSA cède (sans qu’on ne l’y ait obli­gé), tout en se tar­guant de valeurs sociales, cela auto­rise mora­le­ment un grand nombre d’autres écoles à céder à leur tour. Puis vien­dra le tour des uni­ver­si­tés. Ce cadeau fait au minis­tère de l’enseignement supé­rieur actuel est-il à notre honneur ?

Tout laisse à pen­ser que d’ici 10 ans, le pla­fond de 2500 euros sera rele­vé. C’est la logique de la trans­for­ma­tion de fond qui a lieu dans l’enseignement supé­rieur, moti­vée par un désen­ga­ge­ment par­tiel de l’État. Peu importe ce que l’on nous pro­met, cela n’engage que les diri­geants actuels, mais pas leurs suc­ces­seurs. Rien n’est pré­vu pour que de telles hausses soient impos­sibles et tous les argu­ments légi­ti­mant ces hausses sont déjà pré­sents dans la rhé­to­rique actuelle qui est la même depuis de nom­breuses années. Si cette bar­rière que consti­tue la pre­mière aug­men­ta­tion des DI est bri­sée, le mou­ve­ment sera par la suite bien plus dur à arrêter.

Conclu­sion

Nous, groupe d’étudiant·e·s, ancien·ne·s étudiant·e·s et enseignant·e·s engagé·e·s contre l’augmentation des frais d’ins­crip­tion, avons déci­dé d’interpeller le CA de l’INSA Lyon du 16 décembre débu­tant à 14h par une mani­fes­ta­tion devant les bâti­ments de direc­tion de l’école jeu­di 16 dès 12h. Lors du ras­sem­ble­ment, nous offri­rons sym­bo­li­que­ment nos frais d’ins­crip­tion à la direc­tion. Ce moment se veut convi­vial, lieu de débat et d’échange.

Par ailleurs, nous sou­te­nons l’AG inter­syn­di­cale des per­son­nels et étudiant·e·s du mer­cre­di 15 décembre 2021, 12h15-13h45 amphi Hedy Lamarr (ancien Claude Chappe, bât. TC). Une visio (en como­dal) est mise en place au lien sui­vant : https://insa-lyon fr.zoom.us/j/91325657670

L’opposition à l’augmentation des frais d’inscription est réelle :
— Une péti­tion regroupe déjà 1340 signatures
— Le son­dage de l’AEI a mis en évi­dence une forte oppo­si­tion étu­diante à l’augmentation des frais d’inscription
— Des motions d’oppositions aux frais d’ins­crip­tion à Rouen et Lyon ont été écrites et signées
— La vic­toire de la liste “arrê­tons les frais” au CA de Lyon est un mes­sage fort adres­sé par le corps enseignant

Reven­di­ca­tions générales :

• Refus d’une aug­men­ta­tion des droits d’ins­crip­tion à l’INSA et dans l’en­sei­gne­ment supé­rieur en général
• Amé­lio­ra­tion des condi­tions de vie des étudiant·e·s et impli­ca­tions de ceux-ci dans le pro­ces­sus de réforme du modèle social

Pro­po­si­tions :

• Mise au vote d’une motion sti­pu­lant que le CA de l’INSA Lyon s’oppose à ce que la réforme du modèle social ou tout autre pro­jet por­té par l’établissement conduise à une aug­men­ta­tion des frais d’ins­crip­tion ou des finan­ce­ments non garan­tis sur le long terme qui pour­raient conduire à l’augmentation des frais d’inscription

• Mise au vote que le CA de l’INSA Lyon refuse une poli­tique d’augmentation des frais d’inscription dans l’enseignements supé­rieur public en fidé­li­té à l’article 13 de la constitution
de 1946 : “ La Nation garan­tit l’é­gal accès de l’en­fant et de l’a­dulte à l’ins­truc­tion, à la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle et à la culture. L’or­ga­ni­sa­tion de l’en­sei­gne­ment public gra­tuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat. ”

• La mise en place de moyens pour impli­quer l’ensemble des étudiant·e·s, enseignant·e·s et personnel·le·s dans le pro­ces­sus de construc­tion de la réforme du modèle social de l’INSA

 

Col­lec­tif #Insa­Vous­Fait­Les­Poches

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