L’Insatiable fête ses quarante ans ! (et son retrait)
Ecoutez ceci, c’est gigantesque ! L’Insatiable fête ses 40 ans d’existence en cette saison 2023–2024. Troisième journal étudiant de l’INSA Lyon après le SPIN de 1958 à 1969 et Issue de se‑cours de 1979 à 1982, plusieurs fois couronné meilleur journal étudiant de France, explosant les délais moyens de subsistance de ses semblables en d’autres écoles, résistant fermement devant les nombreuses accusations de gauchisme et de mauvaise foi, les déménagements forcés, l’instagrammisation de la société, la faillite de son imprimeur ou encore le pangolin ravageur, notre feuille de chou locale a de quoi rougir ! Au terme d’une année bien réussie et quelques troubles semés au département IF, Alain Satiable s’avance donc sereinement vers ses quarante ans, le sourire aux lèvres, avec le sentiment du devoir accompli.
Mais ! Comme tout humain raisonnablement instable, il fait face à sa crise de la quarantaine : le sentiment d’avoir fait le tour, de ne plus être aussi séduisant qu’avant, de ne plus se sentir à sa place dans un monde aussi écrantesque, de faire vieux jeu et enfin surtout de manquer de progéniture, d’enfants suffisamment nombreux et désireux pour assurer la relève, non pas sur un ou deux ans mais sur le long terme (d’ailleurs plus on se fait vieux, moins on peut faire d’enfants, et Alain n’a pas le projet d’aller draguer tous les soirs à la k‑fet !)
Alors bien sûr, bien sûr, il y a encore beaucoup de personnes qui font notre bonheur en tenant joyeusement Alain par la main à chaque sortie, dans les restaurants, les amphis, les évènements, et jusque dans l’intimité des turnes INSA… ce sont les mêmes personnes qui attristent le regard quand elles oient la rumeur de sa disparition, et qui s’étonnent parfois de nos difficultés de recrutement en disant « m’enfin ! il doit bien y avoir des gus motivés à l’INSA pour faire vivre un journal ! ».
Une crise multifactorielle
Pourtant, ayant personnellement passé quatre ans à l’Insatiable, je dois me rendre à l’évidence que s’il existe un réel intérêt pour ce que nous faisons dans la communauté étudiante, quoique plutôt décroissant et toujours insuffisant à notre goût, celui-ci se traduit très peu en volonté de faire soi-même partie de l’équipe et d’organiser par tout un panier de tâches pas toujours visibles à l’œil nu l’avènement au monde d’un nouveau bébé Insatiable. Nos AG de recrutement en témoignent régulièrement depuis quelques années, avec très peu de passage. La question alors à se poser dans ce cas, et pour toute association qui constaterait une contraction similaire au fil du temps, c’est de quoi avons-nous réellement besoin ? Sommes-nous capables de tourner avec moins de monde tout en produisant d’aussi belles feuilles de chou ? Pour n’avoir été que trois membres actifs l’an dernier et quand même sorti quatre jolis numéros, la réponse est plutôt oui. Cette année aussi, on aurait pu refaire la même, mais à quel prix ? Avec quelle pérennité dans le temps ? Et enfin, avec quel degré de représentativité, de légitimité ?
N’oublions pas que l’Insatiable est un journal étudiant, censé servir la « chose publique », si j’ose dire. Or plus on est nombreux, plus on peut exprimer une diversité d’opinions, contacter des rédacteurs de différents horizons, promouvoir plus efficacement, développer nos contacts, diversifier les styles, créer des partenariats et faire peser une charge individuelle moins lourde au passage… bref, implanter nos racines de chou un peu partout sur le campus pour que le goût puisse être plus ou moins familier à chacun et chacune. Autrement dit, l’Insatiable pourrait continuer en théorie, mais avec le gros risque confirmé au fil des ans d’être non pas LE journal étudiant mais le journal de quelques étudiants et devenir un boulet à transmettre d’année en année pour les rares personnes qui s’y dévoueraient en termes d’efforts et d’engagement, qui plus est dans un climat de plus en plus aride où l’inflation des canaux de communication rend la guerre de l’attention toujours plus féroce et parfois épuisante.
Et d’ailleurs, ce n’est pas si triste que ça
M’enfin ! Alain en crise mais Alain pas triste du tout ! Les associations étudiantes naissent et meurent régulièrement comme nos désirs, les relations ou les fleurs de cerisier au printemps. Il est très probable que l’Insatiable ait déjà vécu son pic de gloire, et qu’il s’apparente de plus en plus aux feuilles jaunies de l’automne, rustiques et vintage, flottant allègrement jusqu’à leur chute finale. Dans notre numéro de mars 2019, le président sortant s’inquiétait déjà de l’avenir en titrant sa une “Le dernier Insatiable avant la fin du monde ?” ; à la rentrée 2021 je suis seul à gérer l’association et la mise en sommeil de l’Insatiable est sérieusement sur la table, mais il aura réussi à passer ses quarante ans, le bougre ! Ainsi, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, Alain rentrera cette fois-ci définitivement en sommeil. C’est-à-dire qu’il sera officiellement inactif, comme la belle au bois dormant, en attendant qu’une troupe de princes et de princesses le réveillent.
Bien sûr, cela ne condamne pas du tout l’avenir de la presse étudiante à l’INSA Lyon, puisque toutes celles et ceux qui le souhaitent peuvent décider de ranimer l’association quelques années plus tard ou créer un quatrième média étudiant, pas forcément papier, dans la fabuleuse histoire de la vie associative insalienne ! Sans oublier que notre site, véritable mine d’archives depuis 1983, restera consultable, indépendamment de l’association.
Alain vous fait de gros bisous !
Ayman, pour l’Insatiable
L’insatiable est né après mon départ de l’INSA. C’est dire si ça date.
Pourtant j’aimais bien feuilleter la version numérique. (Peut on vraiment feuilleter une version numérique). Bon… Cela n’arrivait qu’une fois par an ou parfois même moins, mais c’était un lien.
Je suis un peu triste.
Le support « journal » est peut être obsolète, mais le désir d’écrire, de s’indigner, de se questionner, de rire est il mort ?