Mais quelle mouche les a piqués encore ces babos ? « Karnaval Humanitaire » c’était une identité, un nom de marque, une fierté ! Et pourtant…
Les projets d’accès à l’eau au Burkina Faso
« Humanitaire », ce mot magique qui veut à la fois tout et rien dire, dont tout le monde à une définition différente, et que des entreprises n’hésitent pas à utiliser pour glorifier leur image ou se racheter une conduite. Mais que représente vraiment ce nom pour le Karna, et est-il justifié ?
Le rôle humanitaire du Karna s’est traduit par deux projets au Burkina Faso dans les villages de Pella puis Kiedpalgo pour améliorer l’accès à l’eau des habitant·es. Pendant 14 ans, nous avons financé ces projets grâce aux bénéfices de notre festival, permettant notamment la construction de forages. C’est une association locale qui avait demandé notre aide pour l’autonomie dans l’accès à l’eau de son village. Des karnavaleux·ses se sont rendu·es sur place pour comprendre les besoins des habitant·es et aider au projet. Tout cela a été permis grâce au soutien du sociologue Lébrini Dadjouari, notre appui local, qui viendra présenter ces projets au public insalien lors d’une conférence pendant le festival.
Mais tout cela ne s’est pas fait sans questionnements : quelle est notre légitimité, quels sont les rapports de domination, l’aide humanitaire n’est-elle pas inévitablement empreinte d’un air de néo-colonialisme ? Comment faire de l’humanitaire sans participer à la misérabilisation de l’image de certaines populations, mettant en exergue la bonté salvatrice de ceux qui gardent sous leur contrôle l’argent et les moyens, ne laissant que les miettes ?
De l’eau à la terre : vers de nouveaux projets…
Nous mettons finalement fin à notre collaboration pour le projet de Kiedpalgo, non sans un pincement au cœur. Au-delà des questions éthiques, le Karnaval n’a plus les moyens humains pour suivre ce projet. Ces dernières années, notre rôle s’est réduit à simplement financer, sans pouvoir échanger avec les habitants sur place ni participer activement au projet. Le Karnaval souhaite aujourd’hui s’investir dans un projet plus local, pour lequel nous pourrons avoir plus de contact humain et plus de possibilités d’aider concrètement.
Nous avons choisi pour ce nouveau projet un thème qui nous tient à cœur : l’agriculture paysanne* et l’accès pour tous·tes à une alimentation variée et de qualité. Nous mangeons tous·tes et aimons tous·tes manger, alors œuvrons pour un système agro-alimentaire plus juste, plus respectueux de l’environnement et des personnes ! Le système actuel exploite la nature et accable les agriculteur·ices, promeut l’agriculture industrielle, légitime la surproduction et inonde le marché de produits de piètre qualité. Nous ne voulons pas de ce système. Les initiatives telles que l’Atelier Paysan, qui œuvre pour la souveraineté technique des agriculteur·ices et promeut l’agroécologie, ou les cantines participatives qui redonnent à la nourriture son rôle social, sont des exemples que nous voulons soutenir. Cette année, nous souhaitons que 1 euro par entrée sur le festival revienne au projet.
La plupart d’entre-nous mange plusieurs fois par jour (certain·es n’ont pas cette possibilité) mais qui réalise vraiment ce qu’iels met dans sa bouche, d’où ça vient, de quel système cela découle ? Pour mieux comprendre ce que l’on mange, une partie du forum cette année sera dédiée aux questions de l’agriculture et de l’alimentation. Des thématiques peu familières dans un milieu comme l’INSA et qui pourtant sont structurelles de notre société.
… et un nouveau nom
Finalement ce nom qui faisait notre réputation devenait difficile à porter et à défendre. La notion de solidarité nous semble moins connotée, moins usurpée et plus proche de ce que nous faisons réellement : des événements festifs, responsables et militants, accessibles au plus de personnes possible, et dont les bénéfices servent à soutenir la justice sociale et l’intérêt général. Pour une meilleure compréhension, nous arborons cette année le nom de « Karnaval Humanitaire et Solidaire », comme transition vers notre nouveau nom , le « Karnaval Solidaire ».
*« L’Agriculture Paysanne doit permettre à un maximum de paysan·es réparti·es sur tout le territoire de vivre décemment de leur métier en produisant sur des exploitations à taille humaine une alimentation saine et de qualité, sans remettre en cause les ressources naturelles de demain. Elle doit participer avec les citoyen·nes à rendre le milieu rural vivant dans un cadre de vie apprécié par tous·tes. » Source : Confédération Paysanne
Le Karna