Dans un contexte de crise énergétique en Europe, le ministère de l’enseignement supérieur a détaillé des mesures à mettre en place dans la circulaire du 24 septembre 2022. On y trouve notamment des objectifs de réduction de 10% de la consommation énergétique des établissements publics en 2 ans. Notre école propose un plan de sobriété complet qu’on va tenter d’analyser dans cet article.
L’information circule, l’INSA a vu ses factures d’électricité et de gaz exploser cette dernière année. L’électricité a augmenté de 2.5M€ et le chauffage de 1M€. Les explications données par l’école à propos guerre en Ukraine et des faiblesses du parc nucléaire français sont incomplètes. Le fournisseur d’électricité de l’INSA E‑Pango ayant fait faillite, l’école s’est redirigée vers EDF occasionnant un surcoût pour l’établissement de l’ordre de 800 k€.
Que contient ce plan ?
Précipité par ces impératifs de crise, le plan de sobriété énergétique construit par la direction de l’INSA vise un double objectif, consommer moins et consommer mieux. Consommer moins par de la rénovation énergétique du parc immobilier débutée il y a plusieurs années, une meilleure exploitation des installations techniques et des comportements et des usages plus vertueux. Consommer mieux en améliorant le mix énergétique de l’établissement, en développant le recours aux énergies renouvelables (réseau de chauffage urbain, panneaux photovoltaïques en autoconsommation) et en supprimant le chauffage au gaz naturel.
Le plan détaille ensuite un ensemble de mesures dont une part d’ordre organisationnel, à l’échelle de l’établissement et de ses entités. Un temps envisagé, le télé-enseignement ne sera pas déployé. Afin de réduire la consommation énergétique des bâtiments, le télétravail pour les personnels sera déployé. Il est également évoqué une optimisation et une mutualisation de l’usage de certains équipements et appareils scientifiques.
L’INSA souhaite également mettre en place des mesures techniques de réduction de la consommation telles que : la réduction des consignes de chauffe en période d’occupation et en période d’absence, l’optimisation de l’ensoleillement des bâtiments le jour et la conservation de la chaleur la nuit, l’interdiction du chauffage individuel, l’arrêt du chauffage dans les sanitaires et les couloirs réhabilités après 2000, le remplacement de la menuiserie simple vitrage, l’arrêt de la production d’eau chaude sanitaire dans les bâtiments d’enseignement, de recherche et tertiaires sauf process de recherche particuliers et les douches, la mise en veille de certains équipements (photocopieurs), une campagne promouvant l’arrêt des frigidaires lors des périodes de vacances…
Sous condition de financement par le plan Résilience 2 (le plan étatique), l’INSA souhaite remplacer des chaudières à gaz par des PAC, poursuivre l’isolation thermique des bâtiments, refaire l’installation d’un chauffage tout électrique dans une résidence et déployer une installation géothermie couplée au système de traitement de l’air de certains amphis (préchauffer l’air en hiver, refroidir en été)
Enfin, le plan de sobriété évoque un dispositif particulier en cas de sur-demande sur le réseau (Écowatt orange ou rouge) afin de faire diminuer la pression par un arrêt des équipements non essentiels et un report d’activité. Il est également fait mention d’un plan de continuité d’activité en cas de coupure du réseau électrique. Celui-ci n’est pas détaillé dans le document à notre disposition. Nous espérons que nous aurons connaissance de ce plan avant que cela n’arrive.
Que pouvons-nous en tirer ?
Malgré des années de mobilisation de l’INSA et des étudiants sur les enjeux environnementaux, c’est le manque d’argent qui précipite enfin un plan de sobriété conséquent à toutes les échelles. Certes, l’INSA a déjà fait une grande partie du boulot (rénovation thermique, sortie du charbon…), et il faut reconnaître que ça va depuis des années dans la bonne direction. Mais certaines mesures, déployables depuis des années sans investissement n’ont pas été réalisées. En outre il est marquant de constater que le plan à notre disposition n’est pas chiffré. Il n’y a aucun ordre de grandeur sur la consommation énergétique de l’INSA par type d’énergie, type d’usage, volume de prix. Nous n’avons aucune idée en le lisant des priorités, leur temps de mise en place, leurs effets à court, moyen et long terme. Enfin, il n’y a pas de hiérarchisation des actions en fonction de leur : coût, gain, rapidité, urgence, type (individuel, collectif, structurel). Il est surprenant pour une école d’ingénieur de ne pas utiliser les outils qui nous sont mis à disposition dans un tel contexte…
À moyen terme, le risque de mondialisation du conflit russo-ukrainien et la réorganisation des systèmes énergétiques conduira à une tension sur la ressource en stock et en flux. À long terme, le changement climatique et la finitude des ressources nous imposeront une réorganisation de notre monde. Il est évident que le sujet de l’énergie sera central ces prochaines décennies, et plus que nécessaire d’ouvrir une réflexion à long terme sérieuse pour penser la sobriété comment modèle à l’échelle de l’établissement. Nous pouvons faire énormément avec les connaissances que l’on nous enseigne.
Anticipons demain !
Malgré ce que peut laisser paraître cet article, le plan que l’INSA met en place est pertinent et très complet. Maintenant il y a nécessité d’aller plus loin par le maintien et le renforcement des mesures de sobriété, une évolution des espaces de vie, de travail, de déplacement… et de préparer une sobriété choisie, démocratiquement organisée, éclairée par de l’information, des études et des données. En résumé, il me semble qu’il nous faut :
- Des données ouvertes sur l’énergie à l’INSA
- Des dispositifs de contrôle démocratique de l’action avec les moyens d’être éclairés sur les enjeux, les difficultés etc.
- Une communication régulière, argumentée et précise de la part de l’établissement
- Une priorisation des actions sur différents critères
- Des scénarios préparés à l’avance pour répondre aux différentes situations exceptionnelles.
Nicolas L.