En Europe, nous disposons de trois grand groupes agrochimiques, Syngenta, Bayer-Monsanto et BASF. Ces trois entreprises fabriquent des pesticides, certains ont une particularité, ils sont interdits dans l’Union Européenne, mais pourtant, on les retrouve dans nos assiettes.
Les pesticides représentent une grande part de leurs bénéfices, pour Syngenta en 2018, 39.2 % des ventes globales proviennent de pesticides classés hautement dangereux pour la santé ou l’environnement dont 16,8% sont interdits en Europe. Bayer effectue 36,7% de ses ventes en pesticides classés hautement dangereux et BASF 24,9%.1
L’argent contre la santé
Mais en quoi ces pesticides sont-ils dangereux ? La plupart le sont pour la santé du fait de l’exposition à ceux-ci, les effets varient d’un composant à l’autre, ils peuvent aussi être dangereux pour l’environnement, incluant les insectes et les poissons. Prenons par exemple le paraquat2, c’est un pesticide extrêmement toxique qui peut causer la mort en une seule gorgé, une exposition chronique favorise le développement de la maladie de Parkinson, il a été interdit en 2007 dans l’Union européenne. Il y aussi toute une gamme de pesticides que sont les néonicotinoïdes qui agissent sur le système nerveux des insectes, ceux-ci sont accusés du déclin des abeilles (et bien plus) en Europe, 3 d’entre eux ont été enfin interdits en 20183. En revanche, ces produits ne sont pas interdits d’exportation.
Ce qui est d’autant plus effrayant, c’est que la plupart de ces produits sont envoyés dans des pays émergents. L’un des plus gros importateurs de pesticides européens est le Brésil, 3 669 pesticides y sont autorisés dont des pesticides interdits en Europe. Ils sont donc utilisés dans les cultures, mais les agriculteurs les utilisant ne se rendent souvent pas compte de ce qu’ils manipulent, la plupart ne portant aucune protection lors de leurs utilisations. Ce qui fait que les agriculteurs eux-mêmes s’empoisonnent, mais empoisonnent aussi les habitants autour de leurs cultures. Les épandages aériens massifs ne s’arrêtent pas, pour la plupart, au-dessus des villages. Les eaux consommées par les habitants regorgent de pesticides dangereux pour la santé. Les effets de ces produits se font sentir sur la population, certains développent des cancers et les naissances se font souvent avec des malformations.4
Le cercle empoisonné
Mais l’absurdité ne s’arrête pas là, car les fruits et légumes cultivés reviennent en Europe. Et comme on peut s’en douter, ils contiennent les pesticides utilisés. Ce qui est d’autant plus alarmant est le fait que l’UE autorise les importations de denrées avec des traces de pesticides interdits en Europe s’ils ne dépassent pas une certaine quantité réglementaire. C’est un effet « boomerang ».5
Dans le rapport de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) de 2018 sur la France, trois quarts des échantillons d’importations contenaient des traces de pesticides quantifiables et un quart d’entre eux avaient des niveaux supérieurs aux limites maximales autorisés. La plupart des produits contenaient des pesticides qui ne sont pas autorisés dans l’UE. Les produits importés peuvent donc aussi présenter des risques pour la santé.6
Face à cela, de nombreuses ONG ont cosigné et envoyé une lettre à la Commission européenne fin 2020 pour parler de ces problèmes. La Commission européenne a répondu début 2021 en se défendant avec 2 points : le premier est que le pays importateur de produits chimiques doit donner son consentement explicite et reçoit des informations pour l’aider à utiliser ces produits dangereux de manière sûre. Pour le deuxième point, l’UE rappelle qu’elle a fixé des niveaux maximums de résidus autorisés, que cette tolérance facilite le commerce pour les producteurs ne pouvant pas se passer de pesticides. Dans cette réponse, elle ajoute que l’UE vise dans la durabilité à interdire l’exportation des pesticides dangereux et réfléchit à adapter les tolérances d’importations.7
Et aujourd’hui ?
Début 2022, l’UE lors d’une réunion des différents ministres de l’environnement a réaffirmé sa position en faveur de l’arrêt de l’exportation des pesticides dangereux et de l’importation de produits en contenant8. Mais pour l’instant, à l’échelle européenne, aucune action concrète n’a été faite. En ce qui concerne l’utilisation de pesticides en Europe, une feuille de route pour la réduction de l’utilisation des pesticides en Europe de 50 % d’ici 2030 comparé à 2015–2017 a été présentée. Beaucoup de critiques ont été émises par les différents ministres européens de l’agriculture, qui ont peur d’un manque de rendement, de compétitivité et aussi d’une menace pour notre sécurité alimentaire.9
En France, depuis le 1er janvier 2022, la production, le stockage et l’exportation de ces produits dangereux sont interdits par la loi Egalim. Mais l’importation des produits les utilisant n’est toujours pas interdite.10
Aujourd’hui, le problème est reconnu mais rien n’est fait : d’un côté, on empoisonne la terre et les habitants d’autres pays et de l’autre, on fait revenir le poison chez nous par la nourriture. Si vous voulez plus d’informations sur ce sujet, je vous conseille fortement de regarder un documentaire d’Arte « Pesticides : l’hypocrisie européenne ». 11
Alexandre
1 Dowler, C. (2020, 26 février). Revealed : The pesticide giants making billions on toxic and bee-harming chemicals. Unearthed. Consulté le 10 août 2022, à l’adresse https://unearthed.greenpeace.org/2020/02/20/pesticides-croplife-hazardous-bayer-syngenta-health-bees/
2 Petit-Paitel, A. (2014, 1 décembre). Toxicité de l’herbicide paraquat. Anses. Consulté le 10 août 2022, à l’adresse https://www.anses.fr/fr/system/files/BVS-mg-025-Petit-Paitel.pdf
3 F. (2018, 27 avril). Le Syndicat national d’apiculture voit dans l’interdiction de trois néonicotinoïdes dangereux pour les abeilles. Franceinfo. Consulté le 10 août 2022, à l’adresse https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/le-syndicat-national-d-apiculture-voit-dans-l-interdiction-de-trois-neonicotinoides-dangereux-pour-les-abeilles-une-victoire-essentielle_2726403.html
4 Documentaire (2022) Pesticides : l’hypocrisie européenne. Arte. Consulté le 10 aout 2022, à l’adresse https://www.arte.tv/fr/videos/095070–000‑A/pesticides-l-hypocrisie-europeenne/ Disponible du 28/06/2022 au 03/10/2022
5 Rapport (2020) Pesticides : Stop au boomerang empoisonné ! FoodWatch. Consulté le 11 aout 2022, à l’adresse 20200417-pesticides-rapport-petition-boomerang-empoisonne.pdf (foodwatch.org)
6 Rapport (2018) National summary reports on pesticide. EFSA . Consulté le 11 aout 2022, à l’adresse https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.2903/sp.efsa.2020.EN-1814
7Courrier de réponse de l’union européenne. 09/12/2020, à l’adresse 20210107-pesticides-exports-reponse-commission-europeenne-pan.pdf (foodwatch.org)
8 Pistorius, M. (2022, 24 janvier). Pesticides : les 27 s’accordent sur la nécessité de règles communes et la fin de l’exportation de produits interdits. www.euractiv.fr. Consulté le 11 août 2022, à l’adresse https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/pesticides-les-27-saccordent-sur-la-necessite-de-regles-communes-et-la-fin-de-lexportation-de-produits-interdits/
9 Afp, L. F. A. (2022, 18 juillet). Réduction des pesticides : les ministres de l’UE fustigent le plan de Bruxelles. Figaro. Consulté le 12 août 2022, à l’adresse https://www.lefigaro.fr/flash-eco/reduction-des-pesticides-les-ministres-de-l-ue-fustigent-le-plan-de-bruxelles-20220718
10 Marine, P. (2022, 24 mars). Loi Egalim. Ministères Écologie Énergie Territoires. Consulté le 12 août 2022, à l’adresse https://www.ecologie.gouv.fr/loi-egalim-nouveau-decret-limiter-lexposition-humaine-animale-et-environnementale-aux-produits#:%7E:text=Le%201er%20janvier%202022%20est,humaine%20ou%20animale%20et%20environnementale.
11 Documentaire (2022) Pesticides : l’hypocrisie européenne. Arte. Consulté le 10 aout 2022, à l’adresse https://www.arte.tv/fr/videos/095070–000‑A/pesticides-l-hypocrisie-europeenne/ Disponible du 28/06/2022 au 03/10/2022