Pensez-vous que le mode de scrutin actuel soit le plus efficace ? Dans cet article, je vais vous montrer que notre manière de voter pour les présidentielles est loin d’être parfaite !
Prenons l’exemple le plus flagrant, celui de l’élection de 2002. Au premier tour Jacques Chirac obtenait 19,9% des voix, Jean-Marie Le Pen 16,9% des voix et Lionel Jospin 16.2%. Au deuxième tour, c’est Jacques Chirac qui l’emporte avec 82% des voix tandis que Jean-Marie Le Pen en obtient seulement 18%. Pour l’instant tout semble logique, mais les sondages de l’époque montrent que si Lionel Jospin était passé au deuxième tour, il aurait battu Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen ! C’est un peu déroutant ! Les analystes de l’époque montrent que si Lionel Jospin n’est pas parvenu au deuxième tour, c’est à cause des différents petits candidats de gauche qui lui ont grapillé les quelques pourcents nécessaires pour passer. Cet exemple montre d’une part que le peuple peut élire un candidat qu’il n’apprécie pas forcément majoritairement, et d’autre part que les petits candidats sont déterminants dans le résultat final de l’élection, même s’ils ne seront jamais élus. Ce n’est pas le pire système et nous avons la chance en France de pouvoir voter librement mais il existe des alternatives remarquables !
Les alternatives
Il serait intéressant de prendre en compte notre avis sur tous les candidats ! Le “vote alternatif” répond à cette contrainte. Ce mode de scrutin propose de classer les candidats. Le principe est de regarder votre 1er choix et d’éliminer le candidat qui a reçu le moins de vote, on le barre donc de tous les bulletins et on regarde maintenant qui est classé en premier, on répète l’opération jusqu’à ce n’y ait plus qu’un candidat. Dans ce mode de scrutin on prend donc en compte notre avis sur tous les candidats. Mais, il reste un problème, à partir du moment où on l’on doit classer ou choisir un candidat, il y a ce qu’on appelle le théorème d’impossibilité. Kenneth Arrow a établi qu’aucun système parfait n’existe car un mode de scrutin ne peut pas vérifier les 5 critères suivants simultanément : la monotonie (ne pas faire diminuer le classement global d’une option en la classant plus haut), la souveraineté, la non-dictature, l’unanimité et l’indépendance des options non pertinentes. Le dernier critère est un bon exemple de ce qu’il s’est passé 2002, en fonction du retrait ou de l’ajout de candidat le résultat de l’élection devient complètement différent. Ce critère n’est donc pas vérifié pour notre mode de scrutin actuel.
Des chiffres ?
Cependant Arrow ne prend en compte que les modes de scrutins dans lesquels on classe les candidats ou quand on en choisit un seul. Pour contourner ce problème on peut attribuer des notes aux différents candidats ! Il existe ainsi le vote pondéré qui permet de donner 0 ou 1 aux candidats que l’on préfère, mais avec cette méthode il n’y a pas de nuance entre les candidats. On pourrait imaginer de leur attribuer des notes sur une certaine échelle, par exemple de 0 à 20. Cependant la valeur de la note varie d’un individu à l’autre, par exemple vous pouvez considérer qu’un 15 est une très bonne note alors que l’équivalent pour une autre personne est 18. Cela pose des problèmes et on peut facilement imaginer que des personnes mettent 20 à leur candidat favori et 0 à tous les autres.
Une fatalité ?
On a donc vu que même en mettant des notes nous n’arrivons toujours pas à un système parfait. C’est dans cette optique-là que des chercheurs français du CNRS : Michel Balinsky et Rida Laraki, ont créé un mode de scrutin qui permet de nuancer son avis sans chiffres ! Le principe est de donner à chacun des candidats un adjectif que l’on appellera mention : excellent, très bien, bien, assez bien, passable, insuffisant. A partir de ces résultats on va établir la mention majoritaire, pour cela on va additionner les pourcentages des meilleures mentions aux moins bonnes jusqu’à 50%. A partir de ce pourcentage on obtient la mention majoritaire d’un candidat. Pour déterminer le candidat qui a gagné, on compare les mentions majoritaires obtenues, celui qui a la meilleure mention l’emporte. Si les candidats ont la même mention on va choisir celui qui a le plus de pourcentage dans cette mention. Ce système permet de supprimer le problème des notes et le résultat ne dépend pas du nombre de candidats ! Cependant ce mode de scrutin ne respecte pas le critère de Condorcet qui indique que le candidat élu doit, si on l’oppose à tous les autres candidats de manière individuelle, gagner à chaque fois.
Le mode de scrutin actuel favorise le phénomène de vote utile. Un vote utile ou efficace est un vote que l’on ne fait pas pour le programme d’un candidat mais plutôt en réfléchissant aux conséquences du bulletin que l’on mettra dans l’urne. Pour, par exemple, empêcher un candidat d’accéder au second tour ou bien favoriser un autre candidat avec lequel nous ne sommes pas entièrement d’accord mais qui aura des chances de faire un bon score et donc de gagner. Mais pour faire cela il faut avoir connaissance en amont des intentions de vote, et comme les médias actuels ne parlent qu’en sondages, le vote utile est de plus en plus plébiscité. Aujourd’hui du côté gauche et droit de l’échiquier politique, certains candidats se considèrent comme les seuls de leur camp politique pouvant gagner, incitant les gens à utiliser le vote efficace en misant sur eux et non plus pour un candidat qu’ils imaginent n’avoir aucune chance de gagner. Cette pratique incitative génère un sentiment de culpabilité pour les électeurs qui votent par dépit et non plus pour leur conviction.
Finalement, nous avons pu voir qu’il existe des alternatives. Et pourtant, aujourd’hui nous restons sur un mode de scrutin ayant beaucoup de défauts et qui est en place depuis 1965. Les grands partis politiques préfèrent peut-être rester dans un système qui les avantages, la réticence de la population est aussi un facteur car changer le nouveau mode de scrutin implique qu’il doit être compris par tout le monde. Le plus difficile est sans doute de faire un choix car aucun mode de scrutin n’est exempt de défaut.
Alexandre