« Engagez-vous qu’ils disaient … »

Aaaah s’engager … Les bottes bien cirées, l’odeur de la popote qui mijote dans son chau­dron, le doux chant du clai­ron son­nant l’heure de la soupe … Sou­pire lon­gue­ment. Ça ne vous manque pas ? Non ? Bon puisque l’armée romaine n’a pas l’air de vous convaincre, par­lons de l’engagement politique !

Depuis quelques années le nombre de membres dans les par­tis poli­tiques reculent, les chiffres de l’abstention, eux, suivent une ten­dance à la hausse. Les asso­cia­tions et les par­tis poli­tiques feraient face à une « crise de l’engagement », à un manque de béné­voles ou de mili­tants. Quelles en sont les rai­sons me deman­dez-vous ? Tâchons de réflé­chir aux causes et ori­gines de cette perte d’intérêt pour l’univers poli­tique et associatif.

Aux fon­de­ments idéo­lo­giques de la crise de l’engagement

Vous et moi allons réflé­chir (c’est avant tout des ren­contres un pro­ces­sus col­lec­tif) sur ces pro­fondes causes. Ce qui est cer­tain, c’est que les causes sont mul­tiples, com­plexes et légè­re­ment insai­sis­sables. Il me semble exis­ter une incom­pa­ti­bi­li­té fon­da­men­tale entre la phi­lo­so­phie actuelle de la socié­té et celle gra­vi­tant autour de l’engagement. La phi­lo­so­phie libé­rale pose l’individu, avec ses droits, ses liber­tés et toutes ses poten­tia­li­tés d’actions comme brique élé­men­taire de toute la socié­té. Avec le temps, cette idéo­lo­gie s’est exa­cer­bée, offrant tou­jours plus de pos­si­bi­li­tés aux indi­vi­dus, notam­ment avec l’arrivée puis l’essor de l’informatique et rédui­sant du même coup leurs attaches à la reli­gion, la famille, les amis, la patrie ou plus glo­ba­le­ment à tout corps social trans­cen­dant un tant soit peu l’individualité. Ces ins­ti­tu­tions étaient, dans le pas­sé, créa­trices de liens sociaux et de confiance entre les citoyens. Leur dis­pa­ri­tion pro­gres­sive est syno­nyme d’isolement pour cer­taines par­ties la popu­la­tion. Mais plus que l’isolement, toute idéo­lo­gie for­mate les esprits à pen­ser en adé­qua­tion avec celle-ci. Pour l’individualisme, les esprits sont pous­sés à pen­ser, à agir par et pour eux-mêmes, à ne comp­ter que sur eux-mêmes pour avan­cer, se déve­lop­per et réus­sir. L’extérieur à soi est relé­gué au second plan ou pire, au rang d’outil uti­li­sable pour arri­ver à ses fins. L’engagement est un don de soi, un pro­ces­sus lors duquel on agit pour une cause, non plus per­son­nel, mais com­mune à un groupe, géné­ra­le­ment impor­tant, d’individus. Enfin, vous ver­rez un peu plus loin qu’il n’est pas impos­sible de faire concor­der les actions pour le com­mun et les actions bonnes pour soi.

Le dis­cours poli­tique comme source de désengagement

En plus de cela, les dis­cours en vogue ces der­nières années par­ti­cipent à saper la confiance des gens ou à les décou­ra­ger. Le dis­cours poli­tique pro­met monts et mer­veilles aux citoyens et élec­teurs et les pro­messes ne sont pas toutes tenues. Pire, la majo­ri­té sont bri­sées ou par­tiel­le­ment tenues (je vous pro­pose d’aller voir le site luipresident.fr pour vous en convaincre). Une enti­té qui brise quelques pro­messes (même si elle en tient aus­si un bon nombre) sus­cite méfiance et dés­in­té­rêt presque auto­ma­ti­que­ment, en ver­tu du biais de néga­ti­vi­té auquel nous sommes tous sou­mis. Voi­là donc qui pour­rait expli­quer la défiance actuelle envers les poli­tiques. Ce désen­ga­ge­ment pour­rait avoir des réper­cus­sions impor­tantes sur les géné­ra­tions futures, sur­tout lorsqu’il est ques­tion d’agir pour com­battre les crises cli­ma­tiques, bio­lo­giques et sociales dont on nous rebâche l’existence à inter­valle presque quo­ti­diens. Consé­quence logique d’une telle pro­pa­gande, pour la plu­part des gens, cet état de fait est entiè­re­ment admis et ancré dans leurs esprits. Pour­tant, aucune action d’ampleur et véri­ta­ble­ment col­lec­tive n’est menée, mal­gré le fait que la bataille des idées ait été lar­ge­ment rem­por­tée. Ce désen­ga­ge­ment pour la cause poli­tique et éco­lo­gique est cau­sé par le décou­ra­ge­ment face à une tâche qui semble her­cu­léenne cou­plé à un manque de leviers et d’actions concrètes pro­po­sées par les poli­tiques ou par des col­lec­tifs indé­pen­dants. A cela s’ajoute le conflit avec les inté­rêts per­son­nels, inté­rêts comme le confort de vie ou le plai­sir indi­vi­duel. Notre monde moderne pro­pose mille et un diver­tis­se­ments très faci­le­ment acces­sibles pour le plus grand nombre (réseaux sociaux, pla­te­formes de strea­ming). Mais la dis­trac­tion, bien qu’indispensable pour une vie saine, lorsqu’elle prend une place trop impor­tante dans nos vies, se trans­forme en oisi­ve­té et en passivité.

Que rete­nons-nous ?

Fina­le­ment, les causes avan­cées dans cet article sont : l’incompatibilité entre l’idéologie « libé­ra­lo-indi­vi­dua­liste » et celle l’engagement, les dis­cours poli­tiques trop ven­deurs et pas suf­fi­sam­ment ancrés dans le réel, le décou­ra­ge­ment face au nombre et à la taille des défis du XXIe siècle et enfin dans une moindre mesure, les dis­trac­tions et sti­mu­la­tions pro­po­sées à outrance par la tech­nique moderne.

Simon

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