Entré en fonction il y a moins d’une semaine, Emmanuel Macron s’est d’ores et déjà assis sur l’une de ses promesses de campagne : celle concernant le ministère des Droits des Femmes. Celui qui se disait « profondément féministe » a également pris des décisions contestables sur le plan de l’égalité femmes-hommes.
Un ministère sinon rien
Le candidat Macron avait dit vouloir faire de l’égalité femmes-hommes la « cause nationale » du quinquennat, et assuré qu’il y aurait un ministère « plein et entier des droits des femmes ». Pourtant, lors de l’annonce du premier gouvernement d’Édouard Philippe, la « cause nationale » ne récolte qu’un secrétariat d’État avec à sa tête Marlène Schiappa. Que l’on estime ou non qu’une telle cause nécessite un ministère, voilà une promesse de campagne qui n’aura pas tenu longtemps.
Une parité toute relative
Les six premières nominations de M. Macron — le premier ministre et cinq membres du cabinet — se sont apparemment faites sans souci de parité, puisque le nouveau président a choisi « six hommes, six blancs, six énarques » comme l’a souligné le secrétaire général du PS Jean-Christophe Cambadélis, qui n’est pourtant pas non plus un symbole de renouvellement de la classe politique.
Le gouvernement est quant à lui paritaire, tout comme les différents gouvernements du quinquennat Hollande ; cependant, si l’on y regarde de plus près, les postes accordés aux femmes sont loin d’être équivalents à ceux obtenus par leurs collègues masculins.
Tout d’abord, pour le poste de Premier Ministre, Emmanuel Macron avait exprimé son « souhait » et sa « volonté » que celui-ci soit une femme, tout en recherchant bien entendu des critères d’expérience et de compétence. Quand avait-il dit cela ? Le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.1 Force est de constater qu’il n’a pas su trouver femme plus expérimentée et compétente qu’Édouard Philippe, député brillant à l’Assemblée Nationale par son absence2 et opposé à la loi sur la transparence de la vie publique3,4, alors même qu’Emmanuel Macron entend précisément moraliser la vie politique française.
Viennent ensuite les autres ministres. Sur les cinq ministères régaliens — c’est à dire ceux concernant des fonctions de l’État ne souffrant aucune délégation, comptant donc parmi les plus importants5,6 — un seul revient à une femme : Sylvie Goulard, ministre des Armées. Les autres — Intérieur, Justice, Affaires Étrangères et Économie — reviennent tous à des hommes. Cependant, on peut s’attendre à ce que Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du Travail, joue un rôle important puisque la réforme du code du Travail est le fer de lance du projet d’Emmanuel Macron.
Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, celui de la transition énergétique et sociale Nicolas Hulot et le garde des Sceaux François Bayrou — est-il nécessaire de les présenter — sont par ailleurs les trois seuls ministres d’État : pas une femme ne pourra donc profiter des prérogatives qui leur sont accordées, notamment organiser des réunions interministérielles7. Le gouvernement compte également deux ministres sous tutelle, et devinez de quel genre sont ces ministres ? Gagné, ce sont des femmes : Elisabeth Borne, chargée des Transports sous tutelle de Nicolas Hulot, et Marielle De Sarnez, chargée des Affaires Européennes sous la tutelle de Jean-Yves Le Drian, passé pour l’occasion du ministère de la Défense à celui de l’Europe et des Affaires Etrangères. La parité est donc réelle, mais elle n’a rien de révolutionnaire, et les hommes sont placés sur le devant de la scène.
Que penser de Marlène Schiappa ?
La secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, est une bloggeuse, fondatrice du réseau Maman Travaille, une association militant pour l’égalité parentale, et a écrit différents ouvrages concernant la maternité et la conciliation vie privée-vie professionnelle. Son action a donc jusqu’ici principalement été d’aider les femmes qui travaillent à concilier maternité et carrière, par exemple en s’engageant pour une augmentation du nombre de places en crèche. C’est un aspect important certes, mais qui ne couvre qu’une partie des problèmes auxquels font face les femmes.8 Par ailleurs, parmi ses œuvres, on peut remarquer un livre très controversé, Osez l’amour des rondes, dans lequel s’alignent clichés sur les rondes et conseils de séduction. Belle inclusivité de son combat pour l’égalité femme-homme ! Celle qui est chargée de défendre les droits des femmes semble être plus proche de Cristina Cordula que de Simone de Beauvoir. Par ailleurs, une de ses propositions est d’autoriser la police à verbaliser les agressions sexistes dans la rue — mesure qui peut paraître positive, jusqu’à ce qu’on se rappelle l’objectivité des policiers lorsqu’il s’agit de faire leur travail12,13. Les personnes racisées pourraient ainsi être plus touchées que les autres par cette mesure.
En tout cas, les autres ministres sont progressistes sur ce sujet… non ?
Commençons par le Premier Ministre Édouard Philippe, qui s’est fendu d’une fiction politique dont le narrateur présentait une vision assez rétrograde des femmes, comparées à des trophées, et faisant selon lui un « coup de mec » lorsqu’elles décident de faire ce qu’elles veulent de leur vie sexuelle. Impossible, cependant, de savoir si les opinions du narrateur étaient celles de l’auteur.14 Ce qui est certain en revanche, c’est qu’il a voté contre la loi sur l’égalité entre femmes et hommes en 2014, alors que plusieurs députés de son camp — il était alors dans l’opposition — ont voté pour.
Du côté des droits des LGBT+, pas de livre douteux pour le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, issu comme le Premier Ministre du parti LR, mais quelques prises de positions contestables au sujet du mariage pour tous au moment de la loi Taubira, en 2013. En effet, un de ses engagements avant son élection en tant que maire de Tourcoing était… de ne pas marier personnellement des couples homosexuels.15 Les membres du gouvernement ne sont donc pas aussi féministes et queer-friendly qu’Emmanuel Macron prétend lui-même l’être.
En résumé, le gouvernement mis en place par M. Macron semble n’avoir qu’une parité destinée à décorer, et laisse la part belle aux hommes, dont certains occupent des postes importants malgré leur sexisme ou leur homophobie. Le féminisme dont le nouveau président se réclame paraît à visée électoraliste, et n’a même pas permis d’avoir un vrai ministère des Droits des Femmes comme cela avait été promis, encore moins une féministe au Secrétariat d’État qui y est finalement dédié. Les femmes, et les combats pour leur droits, apparaissent donc comme des arguments marketing au sein de la République En Marche.
Références
1https://www.marianne.net/debattons/editos/edouard-phillippe-premier-ministre-monsieur-macron-vouliez-vous-vraiment-une-femme
2https://www.nosdeputes.fr/edouard-philippe
3http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/05/16/le-peu-d-appetence-d-edouard-philippe-pour-la-transparence-de-la-vie-publique_5128676_823448.html,
4https://www.marianne.net/politique/transparence-du-gouvernement-edouard-philippe-applique-une-loi-contre-laquelle-il-avait
5http://www.conseil-etat.fr/content/download/32900/285262/version/3/file/conf6-dossier%20du%20participant_ou-va-l-etat.pdf
6http://www.fo-dgfip-sd.fr/007/IMG/pdf/dafpe_admin_regal_etat_050310.pdf
7http://www.ouest-france.fr/politique/gouvernement/quelle-difference-entre-un-ministre-et-un-ministre-d-etat-4997821
8http://revolutionpermanente.fr/Les-femmes-au-gouvernement-mais-pas-trop
9http://dariamarx.com/2011/02/20/osez-lamour-des-rondes-marlene-schiappa-la-musardine/
10https://www.streetpress.com/sujet/1495119624-marlene-schiappa-sexiste-grossophobe
11http://www.fauteusesdetrouble.fr/2011/04/pourquoi-tant-de-haine/
12https://joaogabriell.com/2017/05/18/le-femonationalisme-sous-lere-macron-deffrayantes-perspectives-securitaires-et-racistes-au-nom-de-la-cause-des-femmes/
13http://www.lexpress.fr/actualite/societe/controle-au-facies-la-culture-policiere-n-a-pas-evolue_1536204.html
14http://www.lexpress.fr/actualite/politique/les-ecrits-erotico-machistes-d-edouard-philippe_1908335.html
15http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/critiques-contre-macron-le-mariage-pour-tous-ces-tweets-genants-de-darmanin_1909143.html