Alors que l’élection présidentielle approche, nous commençons à éplucher les programmes et tentons de voir plus clair dans les différentes propositions des candidats. Dans les médias, ils s’expriment surtout sur l’économie, le travail ou bien l’immigration ; mais rares sont les moments où ils abordent leurs propositions pour les droits des femmes et l’égalité hommes/femmes. C’est pourquoi cet article propose un petit récapitulatif de leurs prises de positions à ce sujet, de l’extrême droite à l’extrême gauche, pour pouvoir prendre conscience de l’avenir des femmes selon chaque candidat.
Partons de la droite
Est-ce que la principale candidate femme, la représentante du Front National Marine le Pen, défend les droits des femmes ? Pour l’instant, elle n’a pas encore annoncé officiellement son programme pour 2017, mais il est possible de se faire une idée en se basant sur le programme de 2012 et différentes déclarations et interviews.
Au sujet de l’avortement, selon le FN, les femmes devraient avoir “le droit de ne pas avorter”. La proposition est formulée ainsi dans la rubrique Famille du programme 2012 : “une meilleure prévention et information sont indispensables, une responsabilisation des parents est nécessaire, la possibilité d’adoption prénatale doit être proposée, une amélioration des prestations familiales pour les familles nombreuses doit être instaurée “. On peut se demander pourquoi l’idée d’un meilleur accès à la contraception et d’un renforcement des plannings familiaux ne sont pas évoqués dans cette partie. Cependant, il est à noter que la candidate ne parle plus d’“arrêt de confort” pour évoquer l’Interruption Volontaire de Grossesse et n’envisage pas le déremboursement de celui-ci, s’opposant ainsi à une ligne défendue par d’autres membres de son parti comme Marion Maréchal-Le Pen.
En revanche, pas de rubrique en particulier concernant l’égalité hommes/femmes dans son ancien programme et ce sujet apparaît peu dans ses apparitions médiatiques. À propos des inégalités salariales, elle déclarait en octobre à BFM TV : “Personne n’a la baguette magique sur l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes. Et est-ce que le politique doit toujours intervenir ? Est-ce que ce n’est pas au dialogue syndical d’avancer sur ces sujets ?”. Cependant, à l’onglet Laïcité (sic) de son programme de 2012, la parité est qualifiée d’“idéologie différentialiste”, dont “les premières victimes sont les hommes blancs hétérosexuels”.
Dans les faits, n’oublions pas que les deux députés Front National siégeant à l’Assemblée Nationale, ont voté contre une loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, et contre une loi concernant le harcèlement sexuel.
Chez les Républicains, le site officiel du candidat issu de la primaire François Fillon comporte une rubrique “Femmes : propositions pour la liberté des femmes”. Y sont rappelés les chiffres sur les inégalités salariales, les violences faites aux femmes, le harcèlement, la précarité… De manière générale, ce chapitre étaye des propositions pour lutter contre les injustices faites aux femmes, par exemple en proposant des solutions économiques et des dispositifs d’aide en direction des mères isolées, ou encore en se penchant sur l’éducation et la prévention afin de lutter contre le harcèlement et en proposant une extension des délais de prescription pour le viol (dont, rappelons-le, la plupart des victimes sont des femmes). Il mentionne de plus le désir de faire respecter la parité en politique et l’égalité salariale. Cependant, certaines de ses propositions sont placées dans un paragraphe “L’islam radical, une menace qui cible les femmes”, dans lequel il est sous-entendu que certains problèmes de sexisme seraient intrinsèquement mêlés à l’islam, comme “les associations qui ne respectent pas l’égalité homme/femme”… Rappelons qu’il n’y a pas besoin d’islam radical, ni de religion, pour observer des comportements sexistes dans les associations ou dans l’espace public — voir les tristement célèbres et nombreux Tumblrs comme “Paye ton sport”. Une telle sous-partie dans ce chapitre peut laisser craindre une instrumentalisation des droits des femmes au profit de propositions islamophobes comme cela a déjà été observé dans le débat public au sujet du voile.
François Fillon a en outre été attaqué par son concurrent à la primaire Alain Juppé sur ses positions personnelles concernant l’avortement, qu’il dit ne pas pouvoir approuver compte tenu de sa foi, mais il affirme ne pas vouloir modifier la loi Veil sur le droit à l’Interruption Volontaire de Grossesse.
Au sujet de la loi Taubira, communément appelée “mariage pour tous”, s’il ne remet pas en question le mariage, il estime qu’il faut “réexaminer les règles concernant la filiation”, envisageant ainsi une réécriture de la loi en ce qui concerne l’adoption par deux personnes de même sexe.
Rive gauche
Le candidat issu de la primaire de la “Belle Alliance Populaire” Benoît Hamon s’est fait épingler en ne prenant que très maladroitement position concernant les cafés dans lesquels les femmes n’ont pas le droit d’entrer. De manière générale, il s’est distingué de son principal concurrent à la primaire Manual Valls sur le sujet de la laïcité, désormais entremêlé avec celui des droits des femmes dans le débat public, par exemple en plaidant pour que les femmes puissent porter le voile lorsqu’elles le souhaitent. Par ailleurs, son programme compte bien un onglet “Égalité femmes-hommes”, dans lequel on trouve, outre les classiques promesses concernant le respect de la parité en politique et l’égalité salariale, des propositions plus nouvelles comme l’extension du congé paternité visant à aligner celui-ci sur le congé post-natal dont bénéficient les mères, la possibilité pour les femmes seules et les couples homosexuels d’avoir recours à la procréation médicalement assistée ou encore la création d’une brigade de lutte contre les discriminations.
Il est également à noter qu’il utilise dans ses documents et publications sur les réseaux sociaux l’écriture inclusive, c’est à dire un langage non sexiste, basée sur une règle d’écriture de la langue qui vise à rendre neutre le langage du point de vue du genre.
Ce mode d’écriture est également utilisé à la gauche de la gauche par Jean-Luc Mélenchon. Le candidat “La France insoumise” défend la mise en place immédiate de l’égalité salariale en la liant à sa promesse de retour à la retraite à soixante ans ; il a d’ailleurs été récemment critiqué par C. Barbier pour cela, car, selon l’éditorialiste, “les entreprises vont avoir beaucoup de mal à encaisser ce surcoût de main d’œuvre”. Cependant, pas de rubrique dédiée à l’égalité hommes-femmes sur son site JLM 2017, même ce sujet est souvent indirectement évoqué, notamment par le biais des problématiques économiques, dans les vidéos et articles présents sur son blog ainsi que ses interventions. Il proteste en outre contre ceux qui fustigent ce qu’ils nomment “théorie du genre”, en rappelant que le genre n’est pas une théorie, et se prononce pour l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution.
Et celui qui n’est “ni de droite, ni de gauche” ?
Vous l’aurez deviné, le dernier candidat passé en revue est Emmanuel Macron. Celui-ci n’a pas encore présenté son programme, il est donc difficile de savoir quelles mesures concrètes il compte mettre en œuvre pour faire avancer l’égalité hommes-femmes. Il s’est cependant fait entendre fin janvier sur ce sujet. En effet, ayant lancé un appel à candidatures auprès des citoyens pour représenter son mouvement “En marche” aux prochaines élections législatives, il a constaté que seules 15 % des candidatures reçues émanaient de femmes. Partant de là, il a lancé dans une vidéo un appel à la parité en invitant les femmes à éviter l’autocensure et en regrettant “le droit de préséance dont bénéficient les hommes dans notre société”. Si certain-e‑s dénoncent une récupération politique de la problématique du sexisme et un aspect “mansplaining” de cette intervention, il est assez nouveau d’entendre un homme politique reconnaître ses privilèges et pointer les raisons émanant de notre société qui limitent le sentiment de légitimité et la volonté d’initiative des femmes plutôt que de se réfugier, comme cela a été vu trop souvent, derrière des arguments dont le ressort serait “si les femmes veulent faire de la politique, elles n’ont qu’à le faire, rien ne les en empêche et ça ne me regarde pas”. La question de l’égalité hommes-femmes revient de plus sous la forme de très légères évocations, mais de manière récurrente, durant ses discours et interventions.
En revanche, certain-e‑s remarquent que les décisions économiques libérales qu’il a prises lors de son passage au gouvernement renforcent la précarité… or celle-ci touche actuellement beaucoup plus les femmes que les hommes, ainsi ces décisions ne sont pas à l’avantage des femmes puisqu’elles creusent encore le fossé économique entre les genres.
L’énumération faite ici n’est bien entendu pas exhaustive, tout d’abord du fait de l’ampleur du thème abordé, mais aussi parce qu’elle ne décrit ici que les principaux candidats, passant sous silence des candidats actuellement moins favorisés par les intentions de vote, comme le président de Debout La France, Nicolas Dupont-Aignan, l’écologiste Yannick Jadot ou encore Charlotte Marchandise, issue de la “primaire citoyenne”. Il y a tout simplement trop de candidats déclarés pour pouvoir se pencher sur chacun. Par ailleurs, les multiples opinions sur des sujets encore très débattus tels que la gestation pour autrui n’ont également pas été évoquées.
En résumé, alors que le sexisme existe toujours, il est dans le débat public de plus en plus mêlé à la notion de laïcité — à tort ou à raison — et cela se reflète dans le programme des différents candidats. Cependant, puisque des manifestations sont organisées contre des droits considérés comme acquis tels que l’IVG ou le mariage pour tous, les politiques sont amenés à prendre position sur d’anciennes lois et à réaffirmer la place des femmes dans leur projet pour la société. On peut regretter, cependant, que les programmes présentent un certain manque d’intersectionnalité — rappelons, par exemple, ce que subissent les femmes racisées va généralement plus loin que simplement “racisme + sexisme” — ou l’absence d’évocation de groupes qui font encore l’objet de discriminations et se heurtent toujours à des difficultés administratives, comme entre autres les personnes transgenres ou intersexes.
Bonsoir bravo pour le thème abordé par votre analyse. Nous aimerions vous exposer les particularités de Jean-Louis SCHUK, postulant aux élections législatives de 2017 pour le Rhône, au travers d’un groupe de réflexions politiques. Merci, l’équipe de campagne de Jean-Louis SCHUK.
J’vous aime bisous